Ce matin, un couple de petits vieux a voulu prendre le bus à l’arrêt des Charmettes pour se rendre à la Migros de Pérolles. Un saut de puce de quelques centaines de mètres à peine, mais pour eux un vrai voyage vu leur état de santé: obèses tous les deux, ils s’appuyaient sur de petits chariots pour s’aider à marcher. Lorsque le bus est arrivé, une dame secourable a monté leurs chariots à bord, tandis qu’eux-mêmes se hissaient lentement, péniblement, en s’encourageant l’un l’autre, jusqu’à des sièges que des passagers leur ont spontanément cédés. Tout cela sous l’oeil vaguement irrité du chauffeur, qui a pourtant attendu leur installation avant de repartir. Ils se sont alors confondus en remerciements, d’une voix étonnamment douce et claire. En les entendant, mon coeur se serrait. J’espère que quand je serai moi aussi vieille et impotente, il y aura encore des gens pour m’aider à prendre le bus, me céder leur place, des chauffeurs qui patienteront pour ne pas me bousculer, bref, des bonnes âmes qui m’aideront dans ces gestes quotidiens qui me sont si évidents aujourd’hui, mais ne le seront plus alors. Car même de nos jours, avec cet espèce de jeunisme qui contamine le monde, tout ce dont je venais d’être témoin ne va, hélas, déjà plus de soi.