Les chaussures de la honte

Péri­odique­ment, il faut faire ressemeller ses bottes, usées par les kilo­mètres par­cou­rus sur le bitume d’i­ci et d’ailleurs. Je les con­fie donc au cor­don­nier, et passe les récupér­er quelques jours plus tard. En atten­dant que le com­merçant sorte de son ate­lier, qui fleure le cuir et le camem­bert(?), je par­cours des yeux les étagères der­rière la caisse, où plusieurs paires de chaus­sures réparées et dûment éti­quetées atten­dent leur pro­prié­taire. Bizarre, je ne trou­ve pas les miennes; ne seraient-elles pas encore prêtes? Les seules qui leur ressem­blent vague­ment sont des bot­tines de cuir noir avachies et très défor­mées. Pas à moi, ces hor­reurs, pense-je, vague­ment dégoûtée. Et pour­tant… Le cor­don­nier prend mon tick­et, et c’est pré­cisé­ment cette paire-là qu’il me tend. Rouge de honte, je les fourre dans un sac et m’en­fuis, tête basse. Eh oui, les kilo­mètres, ça use drôle­ment, et pas que les semelles!