Souvenirs de Venise(1)

Un voy­age de noces à Venise, c’est clas­sique, mais décidé­ment fort joli. Car la cité des Doges, vrai décor de théâtre grandeur nature, a une atmo­sphère unique en son genre. Comme ce n’é­tait pas notre pre­mière vis­ite, j’ai un peu retrou­vé la ville comme un endroit fam­i­li­er. Les kilo­mètres de marche dans les ruelles tortueuses, la foule bigar­rée et infer­nale, les mul­ti­ples bou­tiques de masques ou de ver­rerie ultra­k­itsch, les petits ponts partout, les cours poé­tiques dans leur désor­dre archi­tec­tur­al, les églis­es aux façades imposantes coincées sur des places aux dimen­sions de mou­choirs de poche, le charme des murs décatis, les palazzi ocres ou brique troués de fenêtres pointues et de bal­cons de mar­bre, à l’in­térieur desquels on devine par­fois un grand lus­tre de Mura­no, les puits en forme de chapiteaux de colonnes, les livreurs cri­ant “Per­me­s­so!” en fen­dant la foule, les éche­veaux de fils élec­triques, les sil­hou­ettes oniriques du Palais des Doges et de la basilique Saint Marc, les bois­eries dorées et les vieux miroirs du café Flo­ri­an, les escaliers qui descen­dent dans les canaux, les bricoles d’a­mar­rage en forme de sucre d’orge, les vaporet­ti qui sem­blent ploy­er sous le poids des voyageurs, les bouf­fées d’air vanil­lé qui sor­tent des pâtis­series, les cordes à linge tou­jours chargées de lessive, les gon­do­les tou­jours chargées de touristes mal­gré leur prix exor­bi­tant, les bateaux-marchés, et surtout, cette unique lumière d’or bleuté et l’odeur un peu moite de la lagune. Nous n’en finis­sions pas de pren­dre des pho­tos! Quelques change­ments cepen­dant depuis la dernière fois. Les pigeons, une vraie plaie surnour­rie par les touristes sur la Place Saint Marc, sem­blent moins nom­breux; quelques goé­lands se char­gent d’ailleurs par­fois d’é­clair­cir les rangs! Il y a moins de déchets et de crottes de chien dans les rues. Les avis mor­tu­aires plac­ardés sur les murs comme des affich­es sem­blent avoir presque totale­ment dis­paru. L’eau des canaux parais­sait moins sale, mal­gré son opaque teinte vert glauque. Par con­tre, épidémie de grands pan­neaux pub­lic­i­taires: les mar­ques de luxe s’ex­hibent sans honte sur les bâti­ments dont ils spon­sorisent la réno­va­tion. Et dans l’ensem­ble, moins d’am­a­bil­ité, même si le fait de voy­ager avec un italo­phone aide grande­ment (com­bi­en de fois s’est-on adressé à nous en anglais, langue touris­tique par défaut); les Véni­tiens en ont marre de la touris­taille, et franche­ment, on peut les com­pren­dre. Nous sommes tout de même par­venus à dérid­er les gar­di­ennes du Palais des Doges qui, en voulant fouiller notre sac à dos, sont tombées sur Oscar, notre ours en peluche- mas­cotte ! L’e­sprit tutélaire du voy­age sem­ble avoir été une vieille dame à lunettes ren­con­trée sur le vaporet­to, à l’ar­rivée, puis retrou­vée par hasard au moment du départ. Venise est une ville qui s’of­fre à qui sait regarder, dis­ait-elle. Nous avons fait de notre mieux. J’ai même fait un ou deux cro­quis. Même si, cir­con­stances oblig­ent, nous avons aus­si pris le temps de nous regarder dans les yeux!