L’après-noces (2)

Qu’est ce qui change après le mariage? Rien de rad­i­cal au quo­ti­di­en, sauf une sorte de petit voile léger qui sem­ble recou­vrir toute chose; une dimen­sion de plus, en somme, fraîche et poé­tique, qui a un par­fum de renou­veau. C’est bien agréable. Pour le reste, l’ar­doise trône au-dessus du télé­phone, les cadeaux sont débal­lés, par­fois dégustés, les pho­tos gravées, les cartes de remer­ciements en cours de réal­i­sa­tion. Nous avons reçu le bon de voy­age, et com­mencé de plan­i­fi­er notre périple irlandais pour le print­emps prochain. L’al­liance se patine déjà un peu. Par­fois j’ou­blie de la met­tre. Et surtout, j’ai peur de la per­dre dans la grille de l’évi­er lorsque je me lave les mains. Mes col­lègues mar­iées m’ont souhaité “bien­v­enue au club”, on me taquine régulière­ment sur une éventuelle future progéni­ture. Je ne ricane plus lorsqu’on me donne du Madame; je me suis même un peu vexée en rece­vant une let­tre de ma banque dans laque­lle on m’ap­pelait “Chère Made­moi­selle”. D’ailleurs, à pro­pos de banque… Je croy­ais éviter les paperasseries en gar­dant mon nom de jeune fille: eh bien, c’est raté! Car désor­mais le nom de mon mari se doit de fig­ur­er après le mien. Du coup, j’ai quand même dû faire chang­er mes cartes de banque (acte de mariage à l’ap­pui! Je ne me sou­ve­nais pas que les ban­ques exigeaient autant de ren­seigne­ments per­son­nels), ma carte de crédit, ma carte d’i­den­tité, ma carte AVS, et dépos­er à la com­mune un nou­v­el acte d’o­rig­ine. Pas maline, je l’ai demandé au Locle. Etant don­né que j’ai adop­té le lieu d’o­rig­ine de mon époux en sus du mien, j’au­rais mieux fait de com­man­der le doc­u­ment à Hüt­twillen (TG): je l’au­rais payé deux fois moins cher.

L’après-noces (1)

Les range­ments post-mariage ont réservé quelques péripéties inat­ten­dues. Ain­si, le net­toy­age de ma robe de mar­iée, bap­tisée au Mer­lot du Tessin, a viré à l’odyssée. Le press­ing n’ayant pas su faire cor­recte­ment son tra­vail, et affichant sur le sujet une mau­vaise fois absolue­ment crasse (un comble pour un press­ing) j’ai fini par la laver moi-même, avec l’aide de pro­duits détachants éton­na­ment effi­caces. Il me fau­dra juste rem­plac­er le ruban rouge ornant la cein­ture, qui est devenu orange durant l’opéra­tion… Le boléro, quant à lui, a été lavé à la main et avec pré­cau­tion: l’eau est dev­enue aus­si rouge que lui! J’ai remisé les bal­ler­ines blanch­es dans un car­ton, peut-être pour tou­jours; elles ne sont défini­tive­ment pas faites pour mes pieds. Les rouges, par con­tre, sont sor­ties un soir. Ten­ant moyen­nement bien durant la marche, elles m’ont valu de belles clo­ques et m’ont même fait gliss­er à l’en­trée du restau­rant… La classe. Mon­sieur mon mari, de son côté, a soigneuse­ment aéré et brossé son cos­tume, et l’a placé dans une housse (achetée spé­ciale­ment pour l’oc­ca­sion) avec un petit sachet de pro­duit con­tre les mites. La pochette rouge, pliée avec tant de soin, est restée en sou­venir dans la poche. Heureuse­ment, car j’ai bien fail­li jeter par erreur la pochette de sec­ours blanche, en prenant son embal­lage pour un bout de papi­er de soie vide! En ce qui con­cerne la chemise: le lavage en machine s’est bien déroulé, mais un oiseau a fait caca dessus alors qu’elle séchait sur le bal­con. La tache, par­ti­c­ulière­ment opiniâtre, n’est par­tie qu’à l’eau de jav­el. Le bou­quet sèche la tête en bas, sans sa queue, un peu plus pâlot mais presque intact. On m’a sug­géré de l’emballer dans un plas­tique pour le pro­téger de la pous­sière, mais franche­ment, j’hésite…

Souvenirs de Venise (2)

Pour moi qui n’aime pas trop le pois­son, le voy­age à Venise a fait un peu office de cure. Comme les créa­ture marines fig­u­raient sur tous les menus, dif­fi­cile d’y échap­per. Je me suis donc pliée au jeu de bonne grâce, et finale­ment avec plaisir, tant les mets étaient frais et bien apprêtés. Sole gril­lée, espadon fumé, purée de morue, thon mi-cuit, pâtes à l’en­cre de seiche, crevettes à la polen­ta,… Par con­tre, je n’ai pas pu me résoudre à goûter le poulpe (les ven­tous­es, ça ne passe vrai­ment pas!). Ceci dit, ce sont les repas qui ont le plus grevé notre bud­get de voy­age. A Venise, désor­mais la ville le plus chère d’I­tal­ie, les touristes sont vrai­ment plumés et ton­dus, de tous les côtés! Pour midi, la meilleure solu­tion était encore de manger des sand­wichs ou des amuse-gueules debout au comp­toir de petits snacks. Les sièges n’y sont d’ailleurs pas tou­jours prévus, et la place plutôt restreinte. J’ai eu du mal à m’y habituer! Tout comme au fait que l’apéro en ter­rasse n’est pas dans les moeurs. La seule fois où j’ai insisté pour ten­ter l’ex­péri­ence, le serveur a sem­blé sur­pris, et nous a apporté deux ver­res de vin blanc très médiocre avec une addi­tion plutôt salée. J’ai eu droit à des com­men­taires sar­cas­tiques toute la semaine… Heureuse­ment, il y avait aus­si les douceurs. Les fameuses glaces, tout d’abord, servies dans de vrais cor­nets en bis­cuit (pas en car­ton-pâte comme chez nous). Je nous revois assis sur les march­es d’un mon­u­ment, dégus­tant religieuse­ment nos tré­sors choco­lat, lait ou stra­ciatel­la, que le soleil autom­nal fai­sait couler sur nos doigts. Un régal. Les meringues par con­tre n’é­ga­lent pas celles de la Gruyère; ces gross­es boules informes et insipi­des sont même par­fois tein­tées en rose ou en vert! Il y avait aus­si par exem­ple le pain des doges (sablé aux raisins), les can­tuc­ci, (bis­cuits aux aman­des entières), ou ce dessert sim­ple et déli­cieux que nous avons décou­vert dans un restau­rant ouvri­er de Mura­no: des bis­cuits secs en forme de S à trem­per dans un verre de vin doux. Mais le meilleur de tous les desserts véni­tiens reste le choco­lat chaud du fameux Café Flo­ri­an. Du choco­lat épais, un peu amer, recou­vert d’un toupet de crème sucrée si dure que la cuil­lère y tient debout toute seule! A 15 euros la tasse, y com­pris le sup­plé­ment pour la musique d’am­biance, je pleu­rais presque en payant l’ad­di­tion. Mais cela en valait la peine.

Souvenirs de Venise(1)

Un voy­age de noces à Venise, c’est clas­sique, mais décidé­ment fort joli. Car la cité des Doges, vrai décor de théâtre grandeur nature, a une atmo­sphère unique en son genre. Comme ce n’é­tait pas notre pre­mière vis­ite, j’ai un peu retrou­vé la ville comme un endroit fam­i­li­er. Les kilo­mètres de marche dans les ruelles tortueuses, la foule bigar­rée et infer­nale, les mul­ti­ples bou­tiques de masques ou de ver­rerie ultra­k­itsch, les petits ponts partout, les cours poé­tiques dans leur désor­dre archi­tec­tur­al, les églis­es aux façades imposantes coincées sur des places aux dimen­sions de mou­choirs de poche, le charme des murs décatis, les palazzi ocres ou brique troués de fenêtres pointues et de bal­cons de mar­bre, à l’in­térieur desquels on devine par­fois un grand lus­tre de Mura­no, les puits en forme de chapiteaux de colonnes, les livreurs cri­ant “Per­me­s­so!” en fen­dant la foule, les éche­veaux de fils élec­triques, les sil­hou­ettes oniriques du Palais des Doges et de la basilique Saint Marc, les bois­eries dorées et les vieux miroirs du café Flo­ri­an, les escaliers qui descen­dent dans les canaux, les bricoles d’a­mar­rage en forme de sucre d’orge, les vaporet­ti qui sem­blent ploy­er sous le poids des voyageurs, les bouf­fées d’air vanil­lé qui sor­tent des pâtis­series, les cordes à linge tou­jours chargées de lessive, les gon­do­les tou­jours chargées de touristes mal­gré leur prix exor­bi­tant, les bateaux-marchés, et surtout, cette unique lumière d’or bleuté et l’odeur un peu moite de la lagune. Nous n’en finis­sions pas de pren­dre des pho­tos! Quelques change­ments cepen­dant depuis la dernière fois. Les pigeons, une vraie plaie surnour­rie par les touristes sur la Place Saint Marc, sem­blent moins nom­breux; quelques goé­lands se char­gent d’ailleurs par­fois d’é­clair­cir les rangs! Il y a moins de déchets et de crottes de chien dans les rues. Les avis mor­tu­aires plac­ardés sur les murs comme des affich­es sem­blent avoir presque totale­ment dis­paru. L’eau des canaux parais­sait moins sale, mal­gré son opaque teinte vert glauque. Par con­tre, épidémie de grands pan­neaux pub­lic­i­taires: les mar­ques de luxe s’ex­hibent sans honte sur les bâti­ments dont ils spon­sorisent la réno­va­tion. Et dans l’ensem­ble, moins d’am­a­bil­ité, même si le fait de voy­ager avec un italo­phone aide grande­ment (com­bi­en de fois s’est-on adressé à nous en anglais, langue touris­tique par défaut); les Véni­tiens en ont marre de la touris­taille, et franche­ment, on peut les com­pren­dre. Nous sommes tout de même par­venus à dérid­er les gar­di­ennes du Palais des Doges qui, en voulant fouiller notre sac à dos, sont tombées sur Oscar, notre ours en peluche- mas­cotte ! L’e­sprit tutélaire du voy­age sem­ble avoir été une vieille dame à lunettes ren­con­trée sur le vaporet­to, à l’ar­rivée, puis retrou­vée par hasard au moment du départ. Venise est une ville qui s’of­fre à qui sait regarder, dis­ait-elle. Nous avons fait de notre mieux. J’ai même fait un ou deux cro­quis. Même si, cir­con­stances oblig­ent, nous avons aus­si pris le temps de nous regarder dans les yeux!

Le projet M: (9)Quelle fête!

Voilà, c’est fini. La journée que nous pré­par­i­ons avec si grand soin depuis tant de temps a passé très vite. Elle a pris la forme d’ un tour­bil­lon de lumière, de musique, de couleurs, de gai­eté, et surtout, d’une grande bulle d’af­fec­tion: cela don­nait presque le ver­tige de voir cette joyeuse foule de par­ents et d’amis, par­fois venus de loin, qui nous entouraient de leurs sourires, de leurs voeux, de leurs cadeaux. Avec un brin d’é­mo­tion, des étoiles dans les yeux. Même les incon­nus ren­con­trés sur le chemin s’ar­rê­taient pour nous féliciter ou nous souhaiter…bon courage. Mal­gré l’om­niprésence de la musique, superbe et par­fois franche­ment mag­ique, pas de fausse note à déplor­er. Bon vin, bonne chère, enchaîne­ment par­fait des divers épisodes. Nous n’avons même pas eu besoin de nos anti-sèch­es pour pronon­cer la phrase accom­pa­g­nant l’échange des alliances. Celui-ci nous a don­né un peu de mal, car sous le coup de l’é­mo­tion, nos doigts avaient gon­flé! Comme il fai­sait très beau, nous avons pu ouvrir toutes grandes les fenêtres du théâtre, d’or­di­naire dis­simulées der­rière les ten­tures. Le mes­sager boi­teux peut aller se cacher! Par con­tre, mes chaus­sures m’ont bel et bien trahie, mal­gré semelles et scotch anti­déra­pant. De peur de les per­dre, il m’a fal­lu les ôter pour danser la valse sur­prise que nos amis nous avaient mijotée, entre deux saynètes mali­cieuses. La per­for­mance n’é­tait pas glo­rieuse, puisqu’au­cun des mar­iés ne sait danser, mais nous avons joui de l’in­dul­gence du pub­lic. J’ai presque eu l’im­pres­sion de faire ain­si mes pre­miers pas sur scène, devant une salle comble. Après tout, il y a bien un peu de théâtre dans un cos­tume de marié(e)! En grande timide, je cher­chais par­fois à me cacher der­rière mon bou­quet à queue de comète, une véri­ta­ble sculp­ture, lourde et com­pacte, faite de ros­es rouges, d’hort­en­sias verts et de petites baies entor­tillées de tiges et de fils dorés. Cer­taines ont été déçues de ne pas me voir le lancer, mais que voulez-vous, la fleuriste l’a fait trop joli, et j’ai préféré le garder! Nous étions tout étour­dis lorsqu’à minu­it tapantes, une voiture rem­plie de musi­ci­ennes et d’in­stru­ments nous a déposés devant chez nous. En pas­sant le seuil, nous tenions en main le présent plus déli­cat de tous: une petite ardoise peinte représen­tant les lau­réats du jour, chevauchant un éléphant, avec cette légende: “Vive les mar­iés!” Mon coeur se serre du petit regret de n’avoir pu con­sacr­er assez de temps à cha­cun durant cette si belle fête. Mais le moment des remer­ciements vien­dra. Lorsque nous aurons choisi la plus jolie pho­to par­mi les cen­taines que nos amis pho­tographes ont faites durant ce jour J du pro­jet M.