Qu’est ce qui change après le mariage? Rien de radical au quotidien, sauf une sorte de petit voile léger qui semble recouvrir toute chose; une dimension de plus, en somme, fraîche et poétique, qui a un parfum de renouveau. C’est bien agréable. Pour le reste, l’ardoise trône au-dessus du téléphone, les cadeaux sont déballés, parfois dégustés, les photos gravées, les cartes de remerciements en cours de réalisation. Nous avons reçu le bon de voyage, et commencé de planifier notre périple irlandais pour le printemps prochain. L’alliance se patine déjà un peu. Parfois j’oublie de la mettre. Et surtout, j’ai peur de la perdre dans la grille de l’évier lorsque je me lave les mains. Mes collègues mariées m’ont souhaité “bienvenue au club”, on me taquine régulièrement sur une éventuelle future progéniture. Je ne ricane plus lorsqu’on me donne du Madame; je me suis même un peu vexée en recevant une lettre de ma banque dans laquelle on m’appelait “Chère Mademoiselle”. D’ailleurs, à propos de banque… Je croyais éviter les paperasseries en gardant mon nom de jeune fille: eh bien, c’est raté! Car désormais le nom de mon mari se doit de figurer après le mien. Du coup, j’ai quand même dû faire changer mes cartes de banque (acte de mariage à l’appui! Je ne me souvenais pas que les banques exigeaient autant de renseignements personnels), ma carte de crédit, ma carte d’identité, ma carte AVS, et déposer à la commune un nouvel acte d’origine. Pas maline, je l’ai demandé au Locle. Etant donné que j’ai adopté le lieu d’origine de mon époux en sus du mien, j’aurais mieux fait de commander le document à Hüttwillen (TG): je l’aurais payé deux fois moins cher.
Catégorie : Projet M
L’après-noces (1)
Les rangements post-mariage ont réservé quelques péripéties inattendues. Ainsi, le nettoyage de ma robe de mariée, baptisée au Merlot du Tessin, a viré à l’odyssée. Le pressing n’ayant pas su faire correctement son travail, et affichant sur le sujet une mauvaise fois absoluement crasse (un comble pour un pressing) j’ai fini par la laver moi-même, avec l’aide de produits détachants étonnament efficaces. Il me faudra juste remplacer le ruban rouge ornant la ceinture, qui est devenu orange durant l’opération… Le boléro, quant à lui, a été lavé à la main et avec précaution: l’eau est devenue aussi rouge que lui! J’ai remisé les ballerines blanches dans un carton, peut-être pour toujours; elles ne sont définitivement pas faites pour mes pieds. Les rouges, par contre, sont sorties un soir. Tenant moyennement bien durant la marche, elles m’ont valu de belles cloques et m’ont même fait glisser à l’entrée du restaurant… La classe. Monsieur mon mari, de son côté, a soigneusement aéré et brossé son costume, et l’a placé dans une housse (achetée spécialement pour l’occasion) avec un petit sachet de produit contre les mites. La pochette rouge, pliée avec tant de soin, est restée en souvenir dans la poche. Heureusement, car j’ai bien failli jeter par erreur la pochette de secours blanche, en prenant son emballage pour un bout de papier de soie vide! En ce qui concerne la chemise: le lavage en machine s’est bien déroulé, mais un oiseau a fait caca dessus alors qu’elle séchait sur le balcon. La tache, particulièrement opiniâtre, n’est partie qu’à l’eau de javel. Le bouquet sèche la tête en bas, sans sa queue, un peu plus pâlot mais presque intact. On m’a suggéré de l’emballer dans un plastique pour le protéger de la poussière, mais franchement, j’hésite…
Souvenirs de Venise (2)
Pour moi qui n’aime pas trop le poisson, le voyage à Venise a fait un peu office de cure. Comme les créature marines figuraient sur tous les menus, difficile d’y échapper. Je me suis donc pliée au jeu de bonne grâce, et finalement avec plaisir, tant les mets étaient frais et bien apprêtés. Sole grillée, espadon fumé, purée de morue, thon mi-cuit, pâtes à l’encre de seiche, crevettes à la polenta,… Par contre, je n’ai pas pu me résoudre à goûter le poulpe (les ventouses, ça ne passe vraiment pas!). Ceci dit, ce sont les repas qui ont le plus grevé notre budget de voyage. A Venise, désormais la ville le plus chère d’Italie, les touristes sont vraiment plumés et tondus, de tous les côtés! Pour midi, la meilleure solution était encore de manger des sandwichs ou des amuse-gueules debout au comptoir de petits snacks. Les sièges n’y sont d’ailleurs pas toujours prévus, et la place plutôt restreinte. J’ai eu du mal à m’y habituer! Tout comme au fait que l’apéro en terrasse n’est pas dans les moeurs. La seule fois où j’ai insisté pour tenter l’expérience, le serveur a semblé surpris, et nous a apporté deux verres de vin blanc très médiocre avec une addition plutôt salée. J’ai eu droit à des commentaires sarcastiques toute la semaine… Heureusement, il y avait aussi les douceurs. Les fameuses glaces, tout d’abord, servies dans de vrais cornets en biscuit (pas en carton-pâte comme chez nous). Je nous revois assis sur les marches d’un monument, dégustant religieusement nos trésors chocolat, lait ou straciatella, que le soleil automnal faisait couler sur nos doigts. Un régal. Les meringues par contre n’égalent pas celles de la Gruyère; ces grosses boules informes et insipides sont même parfois teintées en rose ou en vert! Il y avait aussi par exemple le pain des doges (sablé aux raisins), les cantucci, (biscuits aux amandes entières), ou ce dessert simple et délicieux que nous avons découvert dans un restaurant ouvrier de Murano: des biscuits secs en forme de S à tremper dans un verre de vin doux. Mais le meilleur de tous les desserts vénitiens reste le chocolat chaud du fameux Café Florian. Du chocolat épais, un peu amer, recouvert d’un toupet de crème sucrée si dure que la cuillère y tient debout toute seule! A 15 euros la tasse, y compris le supplément pour la musique d’ambiance, je pleurais presque en payant l’addition. Mais cela en valait la peine.
Souvenirs de Venise(1)
Un voyage de noces à Venise, c’est classique, mais décidément fort joli. Car la cité des Doges, vrai décor de théâtre grandeur nature, a une atmosphère unique en son genre. Comme ce n’était pas notre première visite, j’ai un peu retrouvé la ville comme un endroit familier. Les kilomètres de marche dans les ruelles tortueuses, la foule bigarrée et infernale, les multiples boutiques de masques ou de verrerie ultrakitsch, les petits ponts partout, les cours poétiques dans leur désordre architectural, les églises aux façades imposantes coincées sur des places aux dimensions de mouchoirs de poche, le charme des murs décatis, les palazzi ocres ou brique troués de fenêtres pointues et de balcons de marbre, à l’intérieur desquels on devine parfois un grand lustre de Murano, les puits en forme de chapiteaux de colonnes, les livreurs criant “Permesso!” en fendant la foule, les écheveaux de fils électriques, les silhouettes oniriques du Palais des Doges et de la basilique Saint Marc, les boiseries dorées et les vieux miroirs du café Florian, les escaliers qui descendent dans les canaux, les bricoles d’amarrage en forme de sucre d’orge, les vaporetti qui semblent ployer sous le poids des voyageurs, les bouffées d’air vanillé qui sortent des pâtisseries, les cordes à linge toujours chargées de lessive, les gondoles toujours chargées de touristes malgré leur prix exorbitant, les bateaux-marchés, et surtout, cette unique lumière d’or bleuté et l’odeur un peu moite de la lagune. Nous n’en finissions pas de prendre des photos! Quelques changements cependant depuis la dernière fois. Les pigeons, une vraie plaie surnourrie par les touristes sur la Place Saint Marc, semblent moins nombreux; quelques goélands se chargent d’ailleurs parfois d’éclaircir les rangs! Il y a moins de déchets et de crottes de chien dans les rues. Les avis mortuaires placardés sur les murs comme des affiches semblent avoir presque totalement disparu. L’eau des canaux paraissait moins sale, malgré son opaque teinte vert glauque. Par contre, épidémie de grands panneaux publicitaires: les marques de luxe s’exhibent sans honte sur les bâtiments dont ils sponsorisent la rénovation. Et dans l’ensemble, moins d’amabilité, même si le fait de voyager avec un italophone aide grandement (combien de fois s’est-on adressé à nous en anglais, langue touristique par défaut); les Vénitiens en ont marre de la touristaille, et franchement, on peut les comprendre. Nous sommes tout de même parvenus à dérider les gardiennes du Palais des Doges qui, en voulant fouiller notre sac à dos, sont tombées sur Oscar, notre ours en peluche- mascotte ! L’esprit tutélaire du voyage semble avoir été une vieille dame à lunettes rencontrée sur le vaporetto, à l’arrivée, puis retrouvée par hasard au moment du départ. Venise est une ville qui s’offre à qui sait regarder, disait-elle. Nous avons fait de notre mieux. J’ai même fait un ou deux croquis. Même si, circonstances obligent, nous avons aussi pris le temps de nous regarder dans les yeux!
Le projet M: (9)Quelle fête!
Voilà, c’est fini. La journée que nous préparions avec si grand soin depuis tant de temps a passé très vite. Elle a pris la forme d’ un tourbillon de lumière, de musique, de couleurs, de gaieté, et surtout, d’une grande bulle d’affection: cela donnait presque le vertige de voir cette joyeuse foule de parents et d’amis, parfois venus de loin, qui nous entouraient de leurs sourires, de leurs voeux, de leurs cadeaux. Avec un brin d’émotion, des étoiles dans les yeux. Même les inconnus rencontrés sur le chemin s’arrêtaient pour nous féliciter ou nous souhaiter…bon courage. Malgré l’omniprésence de la musique, superbe et parfois franchement magique, pas de fausse note à déplorer. Bon vin, bonne chère, enchaînement parfait des divers épisodes. Nous n’avons même pas eu besoin de nos anti-sèches pour prononcer la phrase accompagnant l’échange des alliances. Celui-ci nous a donné un peu de mal, car sous le coup de l’émotion, nos doigts avaient gonflé! Comme il faisait très beau, nous avons pu ouvrir toutes grandes les fenêtres du théâtre, d’ordinaire dissimulées derrière les tentures. Le messager boiteux peut aller se cacher! Par contre, mes chaussures m’ont bel et bien trahie, malgré semelles et scotch antidérapant. De peur de les perdre, il m’a fallu les ôter pour danser la valse surprise que nos amis nous avaient mijotée, entre deux saynètes malicieuses. La performance n’était pas glorieuse, puisqu’aucun des mariés ne sait danser, mais nous avons joui de l’indulgence du public. J’ai presque eu l’impression de faire ainsi mes premiers pas sur scène, devant une salle comble. Après tout, il y a bien un peu de théâtre dans un costume de marié(e)! En grande timide, je cherchais parfois à me cacher derrière mon bouquet à queue de comète, une véritable sculpture, lourde et compacte, faite de roses rouges, d’hortensias verts et de petites baies entortillées de tiges et de fils dorés. Certaines ont été déçues de ne pas me voir le lancer, mais que voulez-vous, la fleuriste l’a fait trop joli, et j’ai préféré le garder! Nous étions tout étourdis lorsqu’à minuit tapantes, une voiture remplie de musiciennes et d’instruments nous a déposés devant chez nous. En passant le seuil, nous tenions en main le présent plus délicat de tous: une petite ardoise peinte représentant les lauréats du jour, chevauchant un éléphant, avec cette légende: “Vive les mariés!” Mon coeur se serre du petit regret de n’avoir pu consacrer assez de temps à chacun durant cette si belle fête. Mais le moment des remerciements viendra. Lorsque nous aurons choisi la plus jolie photo parmi les centaines que nos amis photographes ont faites durant ce jour J du projet M.