L’étiquette

Il me sem­blait bien que plusieurs per­son­nes souri­aient bizarrement en me croisant. A y voir de plus près, elles dirigeaient toutes leur regard sur le haut de ma jambe gauche. Je fis donc de même, et com­pris: il y avait là, col­léé sur mon pan­talon, l’é­ti­quette de la pomme que je venais de manger à la pause. Une petite éti­quette bleue et blanche, dis­crète, somme toute. Mais qui n’avait pas échap­pé aux yeux perçants des pas­sants et autres col­lègues. Je ne sais pas com­ment elle est arrivée là, mais finale­ment, ce n’é­tait pas si grave, puisqu’elle m’indi­quait comme étant “fresh and crunchy

Adieu tilleul

Une pen­sée émue pour le tilleul des Grand’­Places, tombé sous la tronçon­neuse au nom d’un pharaonique pro­jet de con­struc­tion souter­raine. Ce géant feuil­lu, qui était un véri­ta­ble naufragé sur son îlot en plein car­refour, cerné de toutes parts par le béton et le goudron, offrait une oasis bien­v­enue au milieu du traf­ic. Au print­emps, un mer­le y fai­sait même son nid et son chant, au milieu de la cacoph­o­nie urbaine, fai­sait du bien à enten­dre. “De toute façon, cet arbre était malade

Le monstre dans la bibliothèque

Dans la bib­lio­thèque, là-haut sous le toit, il y a un mon­stre. Immo­bile, ses pieds noueux ser­rés dans un pot de terre cuite ridicule­ment petit, il fixe la rue par la fenêtre, ses bras longs et épais comme des cordages enroulés autour d’une poutre, ses mains ovales ten­dues vers la lumière. Il impres­sionne, mais ne ferait pas de mal à une mouche! C’est une plante, nom­mée Dif­f­en­bachia, et une de ses cousines trône sur mon bureau. Beau­coup plus petite, cette cou­sine-là, mais en dépit de son pot trop étroit, de son manque de lumière, de son arrosage irréguli­er, elle sem­ble avoir des ambi­tions sim­i­laires! Elle n’en finit pas de grandir et de fab­ri­quer de nou­velles feuilles, larges comme des raque­ttes. Le futur mon­stre du local C 17? 

L’affiche de la discorde

Que va-t-elle faire, cette vieille dame cor­pu­lente dont la robe trop étroite la change en accordéon à fleurs? Elle a ramassé l’af­fiche d’un spec­ta­cle qu’une main un peu sauvage avait col­lée sur un dis­trib­u­teur de bois­sons, et que la main rageuse d’un com­merçant voisin venait d’ar­racher et de flan­quer dans la poubelle (alors qu’elle ne déflo­rait même pas sa vit­rine, située à l’op­posé). Elle l’a prise, l’a exam­inée, puis l’a pliée soigneuse­ment et s’est dirigée vers la bou­tique du com­merçant iras­ci­ble. Allait-elle la lui ramen­er? Ou mieux, la coller car­ré­ment sur sa vit­rine? Mais non, elle a grim­pé l’escalier de l’im­meu­ble et dis­paru à l’in­térieur. Que va-t-elle en faire, de cette affiche? La plac­arder dans le hall, peut-être. His­toire d’ir­rit­er le concierge. 

La voie lactée

Cet après-midi, j’ai touché la Voie lac­tée. Non pas la vraie, qui tra­verse notre ciel noc­turne, mais celle fab­riquée par une artiste suisse du nom d’Is­abelle Krieg. Comme son nom l’indique (au sec­ond degré), il s’ag­it de seins. Des seins de femme géants, tout blancs, moulés dans une sorte de mousse à la fois sou­ple et ferme. Rassem­blés en grappes, ils for­ment ain­si des espèces de nuages que l’on peut tâter et sur lesquels l’on peut même s’asseoir! En lisant un arti­cle à ce sujet dans le jour­nal, je trou­vais l’idée sym­pa­thique. Mais en décou­vrant de visu ces mass­es blanch­es héris­sées de tétons agres­sifs dans le jardin du Musée d’Art et d’His­toire, décep­tion: au lieu de cumuli con­fort­a­bles et ras­sur­ants, cela m’évo­quait plutôt une inva­sion de che­nilles géantes, pleines de pro­tubérances et de piquants…