Feu vert

Same­di matin dans un bus en par­tance pour un cen­tre com­mer­cial de la région. Il y a peu de pas­sagers, essen­tielle­ment des vieilles dames qui tri­coteraient sûre­ment sur leurs genoux si le véhicule encore immo­bile n’é­tait pas plongé dans la pénom­bre de la gare routière. Il règne une cer­taine tor­peur. On attend le départ, l’oeil rivé sur le sig­nal lumineux, qui mal­gré l’heure reste dés­espére­ment rouge. Soudain, il passe au vert. Pas de réac­tion du côté du chauf­feur, un petit homme gris tout avachi sur son volant. Une voix aigrelette s’élève alors: « C’est vert! ». Je sors de ma som­no­lence, vague­ment irritée par le ton un peu sec de la pas­sagère, et me raidis en atten­dant la réac­tion du chauf­feur, qui n’ap­précierait sûre­ment pas de se faire ain­si rap­pel­er à sa tâche (c’est que des décen­nies de trans­ports en com­mun m’ont trop sou­vent con­fron­tée à un per­son­nel iras­ci­ble)… Mais sur­prise: le petit homme se penche vers nous, un sourire lumineux lui fen­dant la fig­ure, et annonce avec un fort accent ital­ien: «Je suis tran­quille, il y a tou­jours quelqu’un qui regarde pour moi! ». Sa remar­que met cha­cun de bonne humeur, et le bus démarre enfin, en route pour les emplettes. Avec un petit ray­on de soleil à l’intérieur.