Des coqs au rayon cosmétiques

Same­di matin dans un super­marché de la ville. Le char­i­ot est plein, ne reste plus qu’à pass­er au départe­ment cos­mé­tiques. Tan­dis que je par­cours les rayons, à la recherche de kleenex et autres den­ti­frices, une voix s’élève depuis les éta­lages voisins. Un homme, apparem­ment au télé­phone, puisqu’il par­le tout seul.  “Com­ment tu as dit que ça s’ap­pelait? Avec une éti­quette rose?” Silence. “Je vois que des éti­quettes vertes ou vio­lettes… Non, pas de ros­es! Attends, en voilà une… Antiâge super­lift? Ce n’est pas ça?” Resi­lence. “C’est com­pliqué, il y en 36 sortes!” Nou­veau silence, qu’on sent un peu ten­du. “Bon, écoute, je trou­ve pas. La prochaine fois, tu vien­dras toi-même… Oui, par­faite­ment, tu vien­dras toi-même!” La con­ver­sa­tion s’ar­rête net. Eti­rant le cou, je coule un oeil dis­cret sur l’o­ra­teur. Et je vois deux jeunes hommes, avachis sur leur char­i­ot (rem­pli de chips et de piz­zas con­gelées, mais ceci est une autre his­toire), l’air éxcédé. Leur impuis­sance face aux pro­duits cos­mé­tiques me laisse songeuse. En effet, ils arborent une peau rigoureuse­ment lisse et bronzée, une crête gom­inée qui ferait rou­gir tous les coqs de la cam­pagne fri­bour­geoise, et même, dirait-on, un peu de cray­on noir sous les yeux…