Coupe-tifs à l’africaine

A Paris, près de la gare de l’Est, il y a une Petite Afrique. Tout un quarti­er peu­plé d’ébène, où s’alig­nent les bazars à vête­ments et surtout… les coif­feurs. A se deman­der com­ment ils peu­vent tourn­er, tant ils sont nom­breux !Les enseignes se suc­cè­dent, col­orées, sou­vent cocass­es, du “Ren­dez-vous des Stars” à “La mèche de Bérénice” en pas­sant par “Cécile coif­fure” (si, si). Et pour­tant, ça marche: il suf­fit de se promen­er le soir pour le con­stater. La coif­fure sem­ble élevée au rang de véri­ta­ble activ­ité socio-cul­turelle! La rue se trans­forme en ruche, il y a du monde sur la route, sur les trot­toirs, dans l’embrasure des portes des salons bondés où règne la plus grande activ­ité. A l’in­térieur, les mains des coif­feuses tressent, coupent, décol­orent, sculptent, pos­tichent. Les mèch­es sac­ri­fiées for­ment de petits nuages noirs que le vent souf­fle sur le trot­toir. Et tout autour, dans une joyeuse agi­ta­tion, les familles se rassem­blent pour dis­cuter. Dans un coin, un homme se rase tout seul. Un enfant joue à la balle entre les fau­teuils. Ca donne presque le tour­nis! La journeé, l’am­biance est bien plus calme. Debout sur le seuil, les coif­feuses désoeu­vrées hèlent même le cha­land. Sans dis­tinc­tion de couleur apparem­ment, puisque S. s’est vu pro­pos­er une coupe de cheveux. Entre nous, il aurait dû accepter. Pour le pit­toresque, et parce qu’il en avait bien besoin! 

Comment rater son TGV

Nous étions à Paris, savourant un dernier verre dans un café appelé joli­ment “Le chien qui fume”, heureux et fatigués après un fréné­tique week-end de vis­ites cul­turelles et de shop­ping. Et pour une fois, nous avions un peu de temps jusqu’au TGV du retour. Une demi-heure avant le départ du train, nous prenons donc le métro, cav­al­ons un peu dans la foule tou­jours dense jusqu’au hall de la gare de Lyon, l’oeil sur ma mon­tre (celle de S. étant à plat). Cinq min­utes de bat­te­ment, par­fait. Je con­sulte alors le tableau. Notre train n’y fig­ure pas. Etrange, me dis-je, mais peut-être est-ce le lot des trains en par­tance pour l’é­tranger. Nous par­courons tous les quais, lisons tous les pan­neaux, sans suc­cès: notre train, qui part pour­tant sous peu, n’est cité nulle part. Un doute alors me saisit: je regarde la pen­d­ule du hall. Ou plutôt les nom­breuses pen­d­ules, sou­vent anci­ennes, pen­dues aux superbes voûtes en fer forgé. Mais peine per­due: il n’y en a pas deux qui indiquent la même heure! A croire qu’elles n’ont qu’une voca­tion déco­ra­tive (nous ne sommes pas en Suisse!). Je me décide alors à deman­der l’heure à quelqu’un. Et c’est là que tout s’ex­plique. Notre TGV est déjà par­ti. Ma mon­tre vient de s’ar­rêter, il y a exacte­ment 5 minutes. 

Vies de squelettes

Ils méri­tent bien une chronique ces mal­heureux squelettes, authen­tiques ou non, dont on se sert tous azimuts pour illus­tr­er l’anatomie humaine ou faire de l’hu­mour plus ou moins noir. Les trois derniers que j’ai ren­con­trés étaient en effet plutôt mal­menés. Le pre­mier, par­tie inté­grante des rêves d’un ivrogne dans une pièce de théâtre, a per­du une jambe sur scène; depuis, il est uni­jam­biste (la vis qui tenait le mem­bre reste introu­vable). Le sec­ond, util­isé didac­tique­ment sur un stand dédié aux médecines naturelles, s’est vu sim­ple­ment plié et four­ré sans ménage­ment dans un cabas Migros à la fin de la journée de vente. Et le dernier, pau­vre hère, dépas­sait d’un car­ton libel­lé… “Alt­pa­pi­er

Chaos et chocolat

C’est presque du Jacques Tati. Voy­age de Fri­bourg à Berne debout pour cause d’heure de pointe, avec la porte qui me coulisse dans le dos, et des pas­sagers qui s’ob­sti­nent à tra­vers­er le train dans tous les sens pour trou­ver de la place. Nous sommes au coude à coude, avec à peine assez d’e­space pour ouvrir un livre, et le train qui tangue sur les rails met notre sens de l’équili­bre à rude épreuve. Dans le wag­on adja­cent, une foule d’Hin­dous endi­manchés arrivent en droite ligne de Genève-aéro­port. Ils ges­tic­u­lent, cri­ent, s’in­ter­pel­lent à qui mieux-mieux, l’air paniqué. La per­spec­tive d’ar­riv­er à Berne, prob­a­ble­ment: voilà qu’à un bon quart d’heure de tra­jet de la cap­i­tale, ils entre­pren­nent déjà de trans­porter leurs volu­mineux bagages près de la porte du wag­on, soit là où nous nous trou­vons ser­rés comme des sar­dines! Sans aucun égard, ils halent des valis­es à coque, des sacs de sport énormes, piéti­nant nos orteils, nous écras­ant encore un peu plus con­tre les parois. Une dame se réfugie dans les WC, aus­sitôt rem­placée par une grosse valise qui lui barre la route. Et les Hin­dous, mag­nifiques dans leurs saris et cos­tumes bien coupés, con­tin­u­ent de crier et de ges­tic­uler. Je jette un regard d’ex­cuse à mon voisin, pra­tique­ment encas­tré dans le marchep­ied. Mais il ne me voit pas: il reste con­cen­tré sur la plaque de choco­lat qu’il garde bien à plat dans sa main ouverte. Arrivée à Berne, enfin. Dans la bous­cu­lade inévitable et mul­ti­cul­turelle qui s’en­suit, la plaque de choco­lat tombe par terre. Le jeune homme la ramasse in extrem­is avant qu’un pied ne la foule, mais mal­heur: elle est toute molle, fon­due par la chaleur de la paume qui la tenait. A voir la mine désolée de son pro­prié­taire, ce devait être un cadeau, le dessert du soir, peut-être. C’est stu­pide à dire, mais cela m’a fait mal au coeur. Les nerfs, prob­a­ble­ment, après ce tra­jet infernal. 

L’étiquette

Il me sem­blait bien que plusieurs per­son­nes souri­aient bizarrement en me croisant. A y voir de plus près, elles dirigeaient toutes leur regard sur le haut de ma jambe gauche. Je fis donc de même, et com­pris: il y avait là, col­léé sur mon pan­talon, l’é­ti­quette de la pomme que je venais de manger à la pause. Une petite éti­quette bleue et blanche, dis­crète, somme toute. Mais qui n’avait pas échap­pé aux yeux perçants des pas­sants et autres col­lègues. Je ne sais pas com­ment elle est arrivée là, mais finale­ment, ce n’é­tait pas si grave, puisqu’elle m’indi­quait comme étant “fresh and crunchy