Les zarégnés

Drôle de rap­ports, entre les araignées et moi. Et ce depuis ma plus ten­dre enfance. D’une part, je nour­ris une sorte de crainte et de dégoût incon­trôlables pour ces huit pattes qui tri­co­tent dans tous les sens. Com­bi­en de mau­vais­es nuits ai-je passées lorsqu’un arach­nide un peu trop gros partageait ma cham­bre (surtout en le retrou­vant col­lé à la mous­ti­quaire, ou sor­tant de mon pyja­ma plié)! L’autre jour, cauchemar inté­gral, j’ai fail­li pos­er la main sur une grosse tégé­naire (poilue) instal­lée sur la rampe de l’escalier… Par con­tre, con­traire­ment à la plu­part des arachno­pho­biques, pas ques­tion d’écras­er la bête: ce doit être le gène ento­mologique de la famille. Pour m’en débar­rass­er, mon arme préférée reste le gob­elet à yogourt fer­mé (en trem­blant) avec une feuille de car­ton, et hop, par la fenêtre! Mieux, je prends plaisir à les observ­er, à dis­tance respectable, admi­rant les dessins de leur corps tout rond, leur habileté à tiss­er leur toile ou à emballer leurs proies. Je me suis même prise d’ami­tié pour cer­taines d’en­tre elles: par exem­ple, la petite épeire diadème qui a élu domi­cile sur le bal­con cet été, et dont je con­tin­ue de cass­er la toile sans le vouloir. C’est qu’elle la fait un peu n’im­porte où: entre la chaise et la table, entre le palmi­er et la blouse mise à aér­er… L’autre jour, en me bais­sant pour cueil­lir des feuilles de men­the dans un bac, je me suis pra­tique­ment pris la fig­ure dedans, sa pro­prié­taire en prime. J’ai eu un sacré choc, bien sûr. Mais je pense qu’elle aus­si, pen­due paniquée au bout de ses fils déchirés. Imag­i­nons donc cela: une grosse masse rose sans poils, qui n’a que deux yeux et 4 pattes… Quelle horreur!

Promenade du soir

Ren­con­tre à 6 pattes: une sauterelle presque trans­par­ente. Ren­con­tre à 5 pattes: un mou­ton, peut-être, près de Marly? Ren­con­tres à 4 pattes: un gros berg­er alle­mand sor­ti de nulle part, qui m’a fait une belle frousse mais s’est révélé adorable; un cheval noir et blanc; une grenouille tapie dans une niche pleine de détri­tus dans le mur de l’u­sine. Ren­con­tre à 3 pattes: un vieux mon­sieur avec une canne. Ren­con­tre à 2 pattes: un joggeur et un cyliste sym­pas (les pas sym­pas, on n’en par­le pas). Ren­con­tre à 2 pattes avec ailes: des poules échap­pées de leur enc­los; un mys­térieux oiseau aux plumes gris­es bor­dées de noir. Ren­con­tre à une pat­te: ?. Ren­con­tres sans pattes: des limaces dans tous les tons de brun, du choco­lat au beige clair en pas­sant par l’o­r­ange vif; des oeufs brisés, sou­venirs prob­a­bles d’un renard ou d’une fouine. Et pour lier le tout: des prés tout verts sous le ciel bleu, l’odeur de l’herbe coupée, une petite brume au ras du sol, et le soleil qui parsème le sous-bois de tach­es dorées, dans un air tiède qui rap­pelle que mal­gré tout, c’est encore l’été.

Marathon pour une tache

Les fringues et moi, on est brouil­lés depuis longtemps. Et je ne par­le même pas des grince­ments de style ou de tailles, non: il s’ag­it d’un désac­cord pro­fond qui se man­i­feste régulière­ment. Hier, par exem­ple. Peu avant de me ren­dre à un souper un poil formel au restau­rant, j’es­sayais des vête­ments dans un mag­a­sin (car mal­gré tout, je m’ob­s­tine). Soudain, j’ai con­staté que mon pull couleur blanc cassé porte une belle tache de fond de teint près de l’en­colure. Damned! Impos­si­ble de sor­tir souper dans cet état. Pas de prob­lème, me suis-je dit avec dés­in­vol­ture, c’est une bou­tique de mode, je vais acheter de quoi me chang­er. Un sim­ple pull ou T‑shirt noir ou blanc suf­fi­ra, ce sera l’af­faire de quelques min­utes. Eh bien… non! Tout-à-coup, le mag­a­sin sem­blait à cours de hauts noirs ou blancs, et tous ceux que j’es­sayais étaient sys­té­ma­tique­ment trop petits, trop grands, trop ser­rés, trans­par­ents, etc… L’en­fer! Puis ma mon­tre m’a rap­pelée à l’or­dre. Epuisée d’avoir ratis­sé les rayons et cou­ru x fois de la cab­ine au mag­a­sin, j’ai remis mon pull sali, que les habil­lages et désha­bil­lages répétés avaient d’ailleurs tout déten­du. Tant pis, me suis-je dit avec résig­na­tion. Je me suis ren­due au resto la mort dans l’âme, en maud­is­sant tous les tis­sus de la terre. Mais là, un petit mir­a­cle m’at­tendait: dans la lumière jaunâtre qui baig­nait l’étab­lisse­ment, ma tache ne se voy­ait presque pas! J’ai passé une excel­lente soirée. 

Word à l’envers

Le monde mer­veilleux de l’in­for­ma­tique, généra­teur de pépins telle­ment divers et var­iés. Durant quinze ans d’ex­péri­ence en tant qu’u­til­isatrice moyenne, j’en ai pour­tant vu pass­er, des erreurs aux numéros de code bizarres, des bombes, des bips, des blocages, des plan­tages, des malé­fices viraux, etc. Mais cette fois, le phénomène était inédit. Lorsque j’in­sérais dans mon texte écrit dans Word un sym­bole pour sig­naler les véri­fi­ca­tions à faire, les com­man­des du clavier sem­blaient soudain s’in­vers­er: la touche de par­en­thèse gauche don­nait celle de droite, la touche d’ef­face­ment se décalait vers la gauche, etc… Phénomène d’au­tant plus incom­préhen­si­ble que tout ren­trait dans l’or­dre après quelques frappes. Soupirs, jurons, résig­na­tion. Puis soudain, la révéla­tion: le sym­bole choisi prove­nait en fait de l’al­pha­bet arabe! Nor­mal donc que tout s’in­scrive soudain de droite à gauche…

La soutane

En cette sai­son où plus on est nu plus on est beau, ou du moins c’est ce que tente de nous faire croire la mode, ce sont les vête­ments habil­lés qui attirent le regard! En voici une preuve. Bête­ment trim­bal­lée par un esca­la­tor du haut vers le bas d’un cen­tre com­mer­cial, je voy­ais pass­er en face de moi le dos des gens trim­bal­lés par un autre esca­la­tor du bas vers le haut. Défilé de dos-nus, de bretelles spaghet­ti, de shorts, de mini-jupes et autres mini­trucs. La rou­tine. Puis soudain, une longue robe noire. Très classe, avec une mar­tin­gale, des plis flat­teurs, une étoffe tombant bien,… J’é­tais admi­ra­tive. Tiens? Des manch­es longues pas cette chaleur? Je lève un peu le regard. Au dessus des manch­es, il y avait un col blanc, et une tête mas­cu­line aux cheveux courts. La belle robe noire était la soutane d’un curé en train de faire ses courses…