Blues de l’appartement moderne

Ces apparte­ments mod­ernes, quel ennui…”, soupire S., le marteau à la main: le niveau à bulle indique en effet une ver­ti­cal­ité par­faite des murs, une hor­i­zon­tal­ité par­faite du planch­er et du pla­fond. Les meubles vien­nent s’y appuy­er sans prob­lème, au mil­limètre près. Rien à ajouter. Du coup, c’est presque avec nos­tal­gie que nous avons repen­sé aux con­tours ondoy­ants de l’an­cien loge­ment de la Rue de Lau­sanne, où les bib­lio­thèques pen­chaient en avant, le lit en arrière, où l’on trébuchait sur les noeuds du par­quet et où les étagères comme les tableaux n’avaient jamais l’air droit. Sans regret, ceci dit (baîlle­ment)…

Pause à la Planche-Supérieure

Place de la Planche- Supérieure, 9 heures du matin. La fluette serveuse du café d’en face désaltère les lau­ri­ers de la ter­rasse avec un arrosoir en zinc qua­si plus gros qu’elle; une plume de pigeon, presque mimé­tique, vogue sur les pavés au gré de la bise; un cou­vreur jure en ital­ien sur le toit de l’église; un chat noir et blanc se vautre dans une flaque de soleil devant sa niche décorée de fleurs; un étrange Mon­sieur obèse dévale la pente, cig­a­re au bec, juché sur une moto minia­ture où est plan­té un para­pluie; un groupe de touristes pho­togra­phient longue­ment l’hor­loge énorme qui décore la façade du bâti­ment du Ser­vice archéologique. Hor­loge qui d’ailleurs me sig­nale déjà la fin de la pause. Si je jette là mon trognon de pomme, sur la pierre de cette place far­felue, il pour­rait encore bien pouss­er un pommier! 

Bleu comme un garçon

La tra­di­tion d’ha­biller en bleu les petits garçons remonte paraît-il au Moyen-Age: cette couleur, celle des cieux, devait en effet les pro­téger des malé­fices du Vilain Mon­sieur d’En Bas. Les filles quant à elles, étaient apparem­ment moins dom­mages! D’ailleurs, les vêtir de rose avait-il pour but de les ren­dre encore plus fraîch­es et appétis­santes aux influ­ences dia­boliques? His­toire de détourn­er l’at­ten­tion, en quelque sorte… De toute manière, je parie que c’est encore la faute à Eve, à la pomme et tout ça!

Belle comme un camion

Avec le change­ment de sai­son, voici venir le moment de con­sul­ter les cat­a­logues de mode automne-hiv­er. En la matière, ce sont les Alle­mands ou les Suisse-alle­mands qui s’avèrent les plus savoureux: out­re des erreurs de tra­duc­tion par­fois hila­rantes (“la femme branchée” y devient par exem­ple “la femme en branche”(sic)), ils affichent avec naïveté un gôut assez dou­teux. L’un d’eux n’hésite pas à offrir en cadeau à qui com­man­dera un ensem­ble de sous-vête­ments min­i­maux en den­telle un… “camion de col­lec­tion”: un mod­èle réduit dont la remorque s’il­lus­tre de la pho­to d’un man­nequin por­tant ces mêmes dessous! Com­ment dit-on “belle comme un camion”, dans la langue de Goethe?

Chroniques d’un déménagement sans voiture (2)

Où est mon dou­ble mètre? Sur la table du salon, à côté du noeud papil­lon, du guide de Berlin et de la cocotte en fonte. Le CD de don­nées ultra pré­cieuses, lui, est dans le fri­go. C’est nor­mal, on démé­nage! D’ailleurs, les pois­sons sont prêts: ils atten­dent patiem­ment leur trans­fert, qui se fera en bus, instal­lés dans des sacs en plas­tique calés au fond d’ une boîte isolante en sagex. Espérons qu’ils n’aient pas le mal des trans­ports*… En tout cas, grâce à eux, notre nou­velle adresse — Route de la Pis­ci­cul­ture- prend tout son sens! (mai 2004)

* la nageoire ter­restre, quoi!