La complainte des gants perdus

En hiv­er, ils se ramassent à la pelle. Pour autant que l’on en ait envie, car ils gisent sou­vent dans la boue, les flaques ou la saleté. Ils jonchent les trot­toirs, les murets, le sol des bus, l’asphalte des park­ings. Pau­vres loques détrem­pées, gelées, piét­inées par les semelles des pas­sants, aplaties sous les pneus des voitures, par­fois empalées sur des grilles par une main cru­elle, et tou­jours irrémé­di­a­ble­ment, dés­espéré­ment, soli­taires. Ce sont ces gants sans paires que l’on a oubliés, ou qui sont sournoise­ment tombés d’une poche ou d’un sac. Quel triste sort. Hélas, j’ai apporté ma con­tri­bu­tion à l’hécatombe : de petits gants en ango­ra noir, per­dus un soir sur la ban­quette d’un train. Seule con­so­la­tion : ils étaient pro­pres, et ils étaient deux !