L’histoire a commencé de manière très prosaïque, avec un seau de déchets végétaux qu’il fallait vider. Il faisait chaud, et l’odeur qui s’en dégageait devenait, disons-le, franchement insupportable. C’est donc d’un geste absolument auguste que j’ai balancé le contenu du récipient dans le cylindre à compost de l’immeuble, au fond du jardin. Mais dans mon enthousiasme, j’ai aussi balancé le sac qui tapissait le seau ‑un sac spécial, photodégradable, mais que le concierge prend toujours pour un sac en plastique et s’obstine à repêcher pour le jeter; du coup, nous préférons le laisser dans le seau. Bref. Me voici donc tout embêtée, avec ledit sac qui me narguait dans le compost, de l’autre côté de la clôture, parmi les épluchures de pomme, les écorces de pastèque et les feuilles de palmier. Bien entendu, mon bras n’était pas assez long pour l’atteindre, et il était impossible de le tirer à travers les mailles du grillage. Je me suis donc rendue à la cave pour chercher un objet long, genre canne à pêche. En l’occurence, une tringle à rideaux (Dieu sait ce qu’elle faisait à la cave, d’ailleurs), avec laquelle j’ai commencé à fourrager tant bien que mal dans le compost. Mais le sac glissait, s’échappait, et finalement s’est déchiré en plusieurs morceaux. Suante et râlante, j’ai donc abandonné la partie, en espérant que personne de la maison ne m’avait vue faire le zouave avec ma tringle. Plutôt raté: en me retournant, je suis tombée nez-à-nez avec les deux chats du voisin qui m’observaient avec grand intérêt, assis sur le gazon! Ils avaient presque l’air de rigoler. Du coup, je me suis sentie un peu bête… Mais l’incident semble m’avoir fait adopter par les félins: d’ordinaire plutôt sauvages, ils sont venus se faire caresser longuement. Quant au fameux sac, il est resté dans le compost. J’ai juste empilé les déchets par-dessus pour le cacher. Le soleil fera le reste.