La tendance me frappe depuis quelques années déjà: lorsque les gens (célèbres ou non) sont interrogés sur eux-mêmes dans les médias, presque tous affirment vouloir “aller vers les autres”, “rencontrer l’autre”, “s’ouvrir aux autres”, etc. Et pourtant, lorsqu’on regarde autour de soi, la société semble s’appliquer à prendre le chemin inverse. Désormais, à l’heure de la politesse plus que minimale, on se fait pratiquement regarder de travers si l’on salue un inconnu ou si l’on s’excuse de l’avoir bousculé… Heureusement, il y a des exceptions. Parfois inattendues, comme ce dernier matin dans le train Neuchâtel-Fribourg. A peine étais-je montée à bord, tirant la porte du wagon derrière moi, qu une petite voix s’élève: “Bonjour!” Je me retourne, et vois un garçon haut comme trois pommes qui me sourit de toutes ses dents. “Salut!”, lui réponds-je, plutôt charmée, avant d’aller m’asseoir un peu plus loin. La petite voix continue. “Papa, pouquoi tu n’as pas dit bonjour à la dame?” Silence, puis une voix d’homme bourrue: ” Ben, elle ne m’a pas dit bonjour”. Le garçon insiste: “Mais moi j’ai dit bonjour, et elle m’a répondu. Allez, papa, vas‑y, essaie!”. J’aurais bien voulu connaître la fin de la conversation. Malheureusement, elle a été noyée par le rap tonitruant qui s’est élevé d’un compartiment voisin. Histoire de rencontrer les autres en faisant partager ses goûts musicaux, probablement…