Le sapin vivant

Au fil du temps, les décors de Noël devi­en­nent décidé­ment tou­jours plus fan­tai­sistes: de l’ ordi­na­teur minia­ture au moulinet de canne à pêche doré, du corset à frous-frous de verre au bal­lon de foot, du croc­o­dile au mini sapin décoré, de la paire de tenailles à la tête de dia­ble, du boule­dogue en man­teau rose au pois­son com­bat­tant toutes nageoires dehors, de la saucisse de Vienne au ham­burg­er pail­leté, du faux canard de bain au nénuphar, on trou­ve désor­mais pra­tique­ment de tout (sauf la tru­elle de l’archéo­logue, que je cherche depuis des années). Mais la palme de l’o­rig­i­nal­ité revient cette année à un véri­ta­ble sapin humain. Une vendeuse d’un grand mag­a­sin du cen­tre-ville avait teint ses cheveux, courts et héris­sés, en vert pro­fond, et por­tait de gross­es boucles d’or­eilles scin­til­lantes. Joyeux Noël donc!

Halloween à Noël

Sur l’é­tagère du salon trône une lanterne en terre cuite orange, fig­u­rant une cit­rouille au vis­age ajouré. Après des années de calme minéral ce sym­pa­thique bibelot, famil­ière­ment surnom­mé Jack, a soudain choisi de faire une farce. L’autre jour, alors que je le pre­nais pour l’épous­seter, un de ses orbites a craché une grosse araignée, qui a frôlé ma main avant de tomber sur le sol. Mal­gré la sur­prise et ma frayeur d’arachno­phobe, j’ai réus­si à ne pas lâch­er l’ob­jet: il a pu repren­dre sans ran­cune sa place sur l’é­tagère. Mais depuis cet inci­dent, le sourire éden­té de Jack sem­ble s’être un peu élar­gi. Nor­mal, il avait enfin rem­pli son rôle! C’est ain­si que j’ai fêté Hal­loween juste avant Noël.

Dans les entrailles du monstre

Un gros camion échoué sur le trot­toir de la Route de la Pis­ci­cul­ture. En panne. “Bien fait”, ai-je pen­sé avec une sat­is­fac­tion mesquine: il y a trop de ces mon­stres qui mon­tent et descen­dent la rue en gron­dant dès l’au­rore, sou­vent à tombeau ouvert, au mépris des humains et des chats (pau­vre Robin­son). Deux hommes s’af­fairaient autour de la bête au capot ouvert, le chauf­feur et un dépan­neur. En choeur, très con­cen­trés, ils trit­u­raient des tuyaux, action­naient des clapets, tirail­laient des fils, se met­taient à qua­tre pattes pour exam­in­er le châs­sis et les roues. Et pen­dant ce temps, le camion exha­lait des soupirs et des jets de vapeur peu ras­sur­ants. Mal­gré tout, je ne pou­vais m’empêcher d’ad­mir­er leur savoir-faire: l’anatomie d’une machine de ce genre n’est pour moi, pau­vre pié­tonne, qu’un mys­térieux chara­bia! Et pour­tant… En arrivant à leur hau­teur, con­tour­nant prudem­ment l’é­pave cra­chotante, voilà que j’at­trape des bribes de leur con­ver­sa­tion: “Et ce machin, là, vous savez à quoi ça sert?” demandait le chauf­feur. “Aucune idée”, répondait le dépan­neur. Selon toute vraisem­blance, le camion allait rester là un bon moment! Bien fait.

Petits cadeaux pas désintéressés

Un matin tôt, en arrivant à la gare, voilà qu’une main sec­ourable me tend soudain une brique de jus d’o­r­ange! Je la prends un peu machi­nale­ment, mar­monne un remer­ciement. C’est que je suis encore fort mal réveil­lée, et que tous mes sens réglés en pilote automa­tique sont ten­dus vers un seul but: ne pas rater le train pour aller au boulot. Puis je remar­que le petit papi­er qui accom­pa­gne le berlin­got. Un papil­lon de pro­pa­gande pour un par­ti poli­tique. C’est vrai, nous sommes en péri­ode d’élec­tions! Je me sou­viens alors des ros­es rouges dis­tribuées aux femmes dans la rue quelques jours aupar­a­vant, et d’une jolie enveloppe rose adressée à mon nom, que j’avais prise pour un faire-part de mariage ou de nais­sance, mais qui con­te­nait une carte pub­lic­i­taire à la gloire d’un can­di­dat au con­seil d’ Etat. Décidé­ment, on ne sait plus qu’in­ven­ter pour se faire élire… A pro­pos du jus d’o­r­ange, en tout cas, c’é­tait raté: il m’a causé de ter­ri­bles brûlures d’estom­ac. Le par­ti en ques­tion n’au­ra pas mon vote!

Libre!

Libre, je suis libre! Je pos­sède désor­mais un abon­nement général, qui m’ou­vre les portes des trains, bus et bateaux dans (presque) toute la Suisse! Adieu la queue au guichet et les crises con­tre les dis­trib­u­teurs de bil­lets qui ne ren­dent pas la mon­naie, adieu le fas­ti­dieux tim­brage des cartes mul­ti­cours­es! A moi les excur­sions à Saint Gall (enfin voir la bib­lio­thèque!), au Tessin, à IKEA ou aux Ponts-de-Mar­tel! Bref, c’est for­mi­da­ble. Et puis, ça m’évit­era aus­si quelques épisodes gênants. L’autre jour, dans le train, j’ai voulu débar­rass­er la fourre de mon abon­nement demi-tarif de tous les vieux tick­ets périmés qui la fai­saient cra­quer aux entour­nures. Mal­heureuse­ment, dans mon ent­hou­si­asme, j’ai aus­si jeté le bil­let de mon voy­age du moment. La honte, quand il a fal­lu aller en repêch­er les morceaux déchirés dans les entrailles repous­santes de la poubelle, pour les présen­ter au contrôleur…