Premier lapin de Pâques

L’autre jour à l’ar­rêt du bus, une fil­lette est venue vers moi pour me mon­tr­er fière­ment ce qu’elle tenait dans ses bras: “Vous avez vu, Madame, c’est un vrai lapin!” En effet, un joli lapin beige aux longues oreilles, bap­tisé “Boule de poils”. Adorable, et par­faite­ment de cir­con­stance puisque les fêtes de Pâques débu­tent la semaine prochaine. Mais ce qui m’a lais­sée rêveuse, ce n’é­tait pas tant l’an­i­mal que sa maîtresse, qui offrait une frap­pante ressem­blance physique avec moi-même il y a de cela à peu près 20 ans (même vis­age aux joues rebondies, même sil­hou­ette un peu ron­douil­larde, même coupe au car­ré sur cheveux blonds…) ! Mais aux lap­ins, je préférais alors les cochons d’Inde. Vrais aus­si, bien sûr. 

Ingrédients pour une pièce de théâtre

Comme cha­cun sait, la pièce “Mémoires des plaisirs de bouche” est actuelle­ment sur les planch­es du Théâtre de la Cité à Fri­bourg (www.tcf.ch). “Fan­taisie gour­mande” entre Venise et Ver­sailles, mémoires d’un pâtissier, elle traite beau­coup de gas­tronomie (la cui­sine est par­fois qua­si­ment faite sur scène). Il est donc sym­pa­thique de faire les cours­es pour l’al­i­menter en acces­soires: des têtes de nègre (par­don, au choco) à la douzaine, des huîtres (à manger avant le spec­ta­cle pour n’en con­serv­er que les coquilles), de la farine et de la lev­ure pour fab­ri­quer de vrais-faux kou­glofs, un ananas entier et divers fruits pour décor­er, des crevettes, des pâtes, du parme­san, du papri­ka pour rem­plac­er le safran, des flo­rentins, des amaret­ti, du jus de pommes en guise de vin blanc, du jus de raisin en guise de vin rouge, du thé froid en guise de rhum (Rome? Non, Venise!),… etc. Bref, à boire et à manger. Sauf en ce qui con­cerne la crème chan­til­ly, qui s’ob­sti­nait à retomber avant la fin de la scène: elle a donc été rem­placée par de la mousse à ras­er. Je plains l’ac­teur qui doit faire mine de s’en délecter! Bon appétit.

Les chaussures de la honte

Péri­odique­ment, il faut faire ressemeller ses bottes, usées par les kilo­mètres par­cou­rus sur le bitume d’i­ci et d’ailleurs. Je les con­fie donc au cor­don­nier, et passe les récupér­er quelques jours plus tard. En atten­dant que le com­merçant sorte de son ate­lier, qui fleure le cuir et le camem­bert(?), je par­cours des yeux les étagères der­rière la caisse, où plusieurs paires de chaus­sures réparées et dûment éti­quetées atten­dent leur pro­prié­taire. Bizarre, je ne trou­ve pas les miennes; ne seraient-elles pas encore prêtes? Les seules qui leur ressem­blent vague­ment sont des bot­tines de cuir noir avachies et très défor­mées. Pas à moi, ces hor­reurs, pense-je, vague­ment dégoûtée. Et pour­tant… Le cor­don­nier prend mon tick­et, et c’est pré­cisé­ment cette paire-là qu’il me tend. Rouge de honte, je les fourre dans un sac et m’en­fuis, tête basse. Eh oui, les kilo­mètres, ça use drôle­ment, et pas que les semelles! 

Le discours passe par l’estomac

Vernissage d’une expo­si­tion au Musée d’art et d’histoire. Dis­cours d’inauguration un peu formel des organ­isa­teurs devant un parterre de spec­ta­teurs con­tenus, qui rient ou applaud­is­sent poli­ment aux moments oppor­tuns. A la fin du laïus, on annonce un apéri­tif, avec dégus­ta­tion spé­ciale d’hydromel : c’est alors un vaste mur­mure d’approbation (« mmmh ! »), ter­ri­ble­ment spon­tané, qui dégèle l’assemblée ! Surtout les femmes, m’a‑t-on assuré. Mais à mon avis, ce ne sont pas des mains unique­ment féminines qui se sont ruées ensuite sur les ver­res du déli­cieux breuvage… D’ailleurs, je n’en ai même pas eu! 

Alexandre, ce héros

Il y a quelque temps pas­sait au ciné­ma un film retraçant en grande pompe la vie et la car­rière d’ Alexan­dre le Grand. En librairie, ce film a sus­cité une soudaine flo­rai­son d’ou­vrages plus ou moins sci­en­tifiques con­sacrés au con­quérant (à croire qu’ils som­meil­laient dans les tiroirs en atten­dant la sor­tie d’un film, juste­ment). Qu’un film relance l’in­térêt du pub­lic pour un per­son­nage his­torique, soit. Mais ce qui me laisse per­plexe, c’est cette bande de papi­er rouge placée en tra­vers d’une biogra­phie, procla­mant en grandes let­tres blanch­es: “Retrou­vez les héros du film”. Le ciné­ma sem­ble-t-il désor­mais plus vrai que l’his­toire? Ou alors, ne conçoit-on plus l’his­toire que comme un film? A moins qu’Alexan­dre, per­son­nage auréolé de mythe, ait sim­ple­ment l’étoffe par­faite d’un héros de pel­licule… quitte à confondre?