Mauvaise surprise l’autre jour dans l’aquarium: notre combattant aux grandes nageoires (betta splendens de son petit nom) avait, sans prévenir, tiré sa révérence. Il avait vécu cette vie brève qui dans leur espèce semble être la rançon de la beauté. Il a eu droit à des funérailles en bonne et due forme, avec enterrement dans le pot de l’hibiscus, histoire de poursuivre le cycle naturel. C’est vrai qu’il laissait un certain vide. Avec son élégance, son goût des cabrioles dans le courant, son tempérament curieux et familier, il était un peu un “personnage” de l’aquarium. Il l’a d’ailleurs prouvé post-mortem. Quelques jours plus tard, la plante, nourrie de sa substance, a développé de nouvelles feuilles, plus grandes, plus denses, plus brillantes. Et soudain, un bouton, qui est devenu une fleur. La première depuis presque un an! C’est ce qui s’appelle partir avec panache. Une seule chose m’a vraiment étonnée: que la fleur ne soit pas bleu roi, comme le poisson. Elle était rose. Mais rose… saumon.
Catégorie : Histoires naturelles
Amuseuse pour chats
L’histoire a commencé de manière très prosaïque, avec un seau de déchets végétaux qu’il fallait vider. Il faisait chaud, et l’odeur qui s’en dégageait devenait, disons-le, franchement insupportable. C’est donc d’un geste absolument auguste que j’ai balancé le contenu du récipient dans le cylindre à compost de l’immeuble, au fond du jardin. Mais dans mon enthousiasme, j’ai aussi balancé le sac qui tapissait le seau ‑un sac spécial, photodégradable, mais que le concierge prend toujours pour un sac en plastique et s’obstine à repêcher pour le jeter; du coup, nous préférons le laisser dans le seau. Bref. Me voici donc tout embêtée, avec ledit sac qui me narguait dans le compost, de l’autre côté de la clôture, parmi les épluchures de pomme, les écorces de pastèque et les feuilles de palmier. Bien entendu, mon bras n’était pas assez long pour l’atteindre, et il était impossible de le tirer à travers les mailles du grillage. Je me suis donc rendue à la cave pour chercher un objet long, genre canne à pêche. En l’occurence, une tringle à rideaux (Dieu sait ce qu’elle faisait à la cave, d’ailleurs), avec laquelle j’ai commencé à fourrager tant bien que mal dans le compost. Mais le sac glissait, s’échappait, et finalement s’est déchiré en plusieurs morceaux. Suante et râlante, j’ai donc abandonné la partie, en espérant que personne de la maison ne m’avait vue faire le zouave avec ma tringle. Plutôt raté: en me retournant, je suis tombée nez-à-nez avec les deux chats du voisin qui m’observaient avec grand intérêt, assis sur le gazon! Ils avaient presque l’air de rigoler. Du coup, je me suis sentie un peu bête… Mais l’incident semble m’avoir fait adopter par les félins: d’ordinaire plutôt sauvages, ils sont venus se faire caresser longuement. Quant au fameux sac, il est resté dans le compost. J’ai juste empilé les déchets par-dessus pour le cacher. Le soleil fera le reste.
Boing boing
Zut, j’ai encore oublié de timbrer ma carte multicourses! J’ai juste le temps de bondir sur le quai, de fourrer ladite carte dans la gueule de la machine ad hoc (qui par chance était toute proche), et de remonter dans un autre wagon avant que le train ne démarre. L’opération aura eu le double mérite de me faire échapper à un voisin doté de cheveux longs, d’une cannette de bière, d’un chariot à commissions et d’une propension suspecte à la causette, et de me faire faire une rencontre inattendue. A peine étais-je installée dans mon nouveau siège qu’une énorme sauterelle d’un beau vert très clair (Tettigonia viridissima?) me saute sur le genou! Elle devait accompagner clandestinement le groupe de randonneurs assis un peu plus loin, sous une guirlande de sacs à dos multicolores. Je la gratifie d’un mot amical (sous l’oeil soupçonneux du grand Noir avachi dans le siège d’en face). L’insecte me regarde en remuant ses antennes, puis bondit sur le sol. Il reste immobile quelques minutes près de mon pied gauche, tourne un peu en rond, et finalement disparaît sous un siège. Je ne l’ai plus revu. Espérons qu’il aura réintégré un sac de montagne, histoire de poursuivre le voyage!
Les grandes eaux
C’est le déluge dans le canton de Fribourg. Les seaux déversés par le ciel s’accumulent dans la terre qui les régurgite de partout. Les caves se remplissent, les champs se changent en lacs, les rivières quittent leurs lits, les grilles d’égouts lancent des geysers brunâtres, les routes deviennent miroirs liquides. Le terrain glisse, allant jusqu’à faire dérailler le train. L’air résigné sous la visière de leurs casques, des pompiers tout bardés d’imperméable surveillent l’armée de pompes qui tournent à plein régime. Une pancarte “A vendre” flotte ironiquement sur l’eau d’un verger inondé. Les seuls à se réjouir sont les canards, qui ont investi sans tarder tous ces nouveaux étangs! Et peu importe si leurs pattes en touchent le fond.
Le gingko se déchaîne
Le printemps est encore loin, mais voici que mon gingko en pot, mis à hiverner dans un coin du salon, fait déjà des feuilles! Une touchante petite touffe vert tendre, disposée comme un plumeau au sommet de son tronc flexible. Dire que l’an dernier, il avait boudé jusqu’en juin, gardant ses bourgeons obstinément serrés malgré arrosages, engrais et bains de soleil sur le balcon… Cette fois-ci, il semble avoir décidé de défier le calendrier dans l’autre sens. Caractériel, mon arbre? Après examen, tout s’éclaire assez vite. Et on ne peut mieux dire: c’est la lumière de l’aquarium, près duquel le gingko repose, qui l’a réveillé! Les néons de celui-ci sont spécialement conçus pour favorsier la croissance des plantes… aquatiques ou non!