Douche froide

Un de mes anciens profs d’alle­mand pré­tendait, avec une auto-déri­sion sal­va­trice, qu’il exis­tait au monde deux sortes de sadiques: les den­tistes et…les profs, juste­ment. Or, il en y a une troisième: les phar­ma­ciens, dont cer­tains sem­blent pren­dre plaisir à embar­rass­er publique­ment leurs clients. Ain­si cette dame en blouse blanche qui a débal­lé sur le comp­toir tous les élé­ments du dis­posi­tif pour douch­es intimes pre­scrit par le médecin, avant d’en com­menter le mode d’emploi d’une voix un peu trop aiguë à mon goût. Encore heureux qu’elle ne m’ait pas fait une démon­stra­tion. Ne me restait plus qu’à pay­er le mau­dit machin et, rouge comme une pivoine, à affron­ter les vis­ages des clients dont la queue s’é­tait allongée der­rière moi…

Ces imbéciles sans voiture

Que l’on me regarde bizarrement parceque je ne pos­sède pas de voiture (ni de per­mis de con­duire, d’ailleurs), cela arrive assez sou­vent. Mais me faire insul­ter parce que je prends les trans­ports publics, et de sur­croît par un autre usager, c’est une pre­mière! De retour de nos achats heb­do­madaires, encom­brés de plusieurs cabas bien rem­plis, S. et moi nous étions fau­filés dans le bus en essayant de ne déranger per­son­ne avec notre charge­ment. Pré­cau­tions bien inutiles: presque aus­si­tot, une jeune femme s’est mise à cri­ti­quer verte­ment “ces imbé­ciles qui ne pren­nent pas leur voiture pour faire les cours­es”! Le tout en ital­ien, pen­sant prob­a­ble­ment ne pas être com­prise. Hélas pour elle, S. est par­faite­ment italo­phone. Il lui a donc répliqué fort poli­ment que tout le monde n’a pas les moyens de s’of­frir une voiture. Mal­gré cette réponse plutôt défini­tive, la mécon­tente ne s’est pas lais­sé démon­ter pour autant: elle a pour­suivi sur le même ton (avec quels argu­ments, je me le demande encore), jusqu’à ce que S., excédé, aban­donne la con­ver­sa­tion. Peu après, la jeune femme descendait du bus, la mine out­ragée, à l’ar­rêt placé devant l’u­ni­ver­sité. Pour aller y suiv­re des cours de psy­cholo­gie, prob­a­ble­ment. Ou y rechercher sa voiture.

Parfums de vieilles dames

Dans la jun­gle sou­vent trop capi­teuse des par­fums féminins actuels, il arrive qu’un effluve atyp­ique sur­gisse soudain au hasard d’un sil­lage. Quelque chose de fleuri, de poivré, de poudré, de musqué, cela dépend, mais d’un équili­bre et d’une élé­gance frap­pante. Quelque chose qui vous fait remar­quer sa pro­prié­taire: sur­prise, il s’ag­it tou­jours de femmes assez âgées! “C’est qu’ elles ont eu tout le temps de bien choisir leur par­fum”, me dis­ait une amie à qui j’avais fait part de cette obser­va­tion. Peut-être. A moins qu’il n’y ait aus­si un peu de magie là-dessous. L’autre jour, une voiture sor­tant d’un park­ing, con­duite par une vieille dame chic, a lais­sé sur son pas­sage une odeur…de roses!

Le gingko se déchaîne

Le print­emps est encore loin, mais voici que mon gingko en pot, mis à hivern­er dans un coin du salon, fait déjà des feuilles! Une touchante petite touffe vert ten­dre, dis­posée comme un plumeau au som­met de son tronc flex­i­ble. Dire que l’an dernier, il avait boudé jusqu’en juin, gar­dant ses bour­geons obstiné­ment ser­rés mal­gré arrosages, engrais et bains de soleil sur le bal­con… Cette fois-ci, il sem­ble avoir décidé de défi­er le cal­en­dri­er dans l’autre sens. Car­ac­tériel, mon arbre? Après exa­m­en, tout s’é­claire assez vite. Et on ne peut mieux dire: c’est la lumière de l’aquar­i­um, près duquel le gingko repose, qui l’a réveil­lé! Les néons de celui-ci sont spé­ciale­ment conçus pour favor­si­er la crois­sance des plantes… aqua­tiques ou non!

De la relativité du temps en archéologie

Une salle lumineuse dont les grandes tables sont recou­vertes par une véri­ta­ble mer de tes­sons de céramique dans tous les tons de gris-brun et de beige-orange. Des tes­sons datant du Sec­ond Age du Fer (La Tène pour les intimes). Voici à quoi ressem­ble mon nou­veau bureau. L’autre jour, un homme chargé de con­trôler les alarmes anti-incendies est entré. Il s’est penché avec intérêt sur ces petits frag­ments de notre passé et m’a demandé inno­cem­ment: ” C’est vieux?” “Non, pas très”, lui ai-je répon­du tout aus­si inno­cem­ment, “fin du pre­mier siè­cle avant J.-C., juste avant les Romains”. L’homme a ouvert des yeux tout ronds. “Wow, c’est vache­ment vieux!” Sa réac­tion m’a désta­bil­isée un instant. En y repen­sant, en effet, ça fait quand même 2000 ans. C’est que les archéo­logues, habitués à jon­gler avec les mil­lé­naires, ten­dent à ne con­sid­ér­er comme “vieux” que les ves­tiges des épo­ques les plus anci­ennes, Paléolithique et Mésolithique. Du coup pour eux, l’Age du Fer, l’E­poque Romaine, c’est pra­tique­ment hier. Comme quoi le temps est bel et bien relatif, et qu’il y a plus d’une manière d’en per­dre la notion!