L’autre jour, sur un quai de la gare de Genève, une troupe de jeunes gens court pour attraper le train. En vieux t‑shirts et sacs à dos, avec des jeans et des bottes de caoutchouc largement maculés de boue. Probablement des étudiants en archéologie qui font leurs fouilles de l’été, ai-je pensé spontanément (les habitudes sont tenaces, une certaine nostalgie aussi, en fin de compte). Puis la lumière s’est faite dans mon esprit: c’était le train pour Nyon, et dans le journal comme dans les conversations de mes collègues ce jour-là, on avait abondamment cité la gadoue sévissant au Paléo. Point d’archéologues donc, mais des festivaliers, en route vers une soirée humide. Certains venaient d’ailleurs aussi de Fribourg: le lendemain matin, le sol de la gare était constellé de traînées boueuses, vestiges de retours tardifs…
Catégorie : Archéologie
Celtitude?
La mode printemps-été n’est pas vraiment fabuleuse (j’ai essuyé des échecs cuisants avec un manteau vaste comme une tente, des jeans façon leggings et une jacquette trop courte de partout). Mais au moins, cette saison, on se marre. D’une certaine manière. En effet, l’élément décoratif omniprésent dans la confection semble être le crâne humain, souriant de toutes ses dents, comme le veut l’anatomie. Doré, argenté ou garni de strass, grand ou petit, unique ou en ribambelle, le voilà qui s’exhibe sans complexes en bijoux, en porte-clés, sur les sacs, les t‑shirts, les blousons, les poches des jeans, sur les chaussettes, les pantoufles ou la semelle des tongs, et même sur les sous-vêtements. L’archéologue, familière des histoire d’os, commence à s’interroger. S’agit-il d’une subite résurgence de nos racines, à l’heure où il est de bon ton de revendiquer ses origines? En effet, nos ancêtres les Celtes étaient de grands coupeurs de têtes. Dans une récente exposition consacrée à leurs croyances, on pouvait voir la reconstitution grandeur nature d’un portique garni de niches destinées à accueillir des têtes trophées. Je me souviens encore de la réaction de certains visiteurs, qui plissaient le nez en marmonnant: “Quels barbares, quand même!” Des visiteurs dont certains adopteront probablement la mode du crâne sans broncher. J’en étais à méditer sur cet amusant paradoxe, lorsqu’une amie a cassé ma théorie. Selon elle, les têtes de mort de cette saison seraient plus vraisemblablement inspirées du pavillon noir des pirates, référence à une récente série de films à succès. Elle en aurait mis… sa tête à couper.
Déc-os de Noël
Dans notre bureau a fleuri une originale décoration de saison : une boule de Noël rouge… tenue entre les dents d’un squelette en carton grandeur nature. Assez logique pour un bureau d’archéologues, dira-t-on peut-être. Du coup, le sapin officiel dans le hall du Service archéologique, avec ses guirlandes et ses boules blanches, paraît presque un peu banal. On aurait pu imaginer des décorations faites de sachets en plastique, de truelles, de tessons de céramique multicolores, de clous rouillés, de cailloux, etc… Un peu comme ce pharmacien qui a garni le sapin devant son officine de paquets de médicaments vides. L’effet est étonamment décoratif! Du reste, en ville, les décors de Noël semblent bien étriqués cette année. Dommage, surtout que l’architecture, avec ses belles façades médiévales, s’y prête très bien. Les ornements les plus originaux sont encore les fenêtres des maisons du Court-Chemin, décorées par les habitants sous forme de calendrier de l’Avent (il y a même une maquette en papier de la cathédrale). Une virée de nuit à Neuchâtel a par contre révélé une profusion de lumières aussi somptueuses qu’originales: du dais lumineux au-dessus d’une ruelle aux boules d’argent suspendues aux branches d’un grand chêne, en passant par des filigranes sophistiquées dans la zone piétonne ou l’ énorme sapin officiel orné de sphères orange luminescentes, c’était tout simplement féerique… Je me suis un peu consolée en voyant l’Université de Fribourg, dont la porte principale se pare d’un rideau de lumières. Même si ça la fait ressembler à un grand magasin. D’ailleurs, je me demande s’ils passent des chants de Noël dans le hall, comme au centre commercial de la gare. L’autre jour, il y avait un vieux sandwich abandonné entre les branches du sapin.
Vénus comestibles
La “Vénus de Monruz” est un pendentif préhistorique ( 11’00 avant J.-C.) en jais qui stylise à l’extrême une silhouette féminine. Le musée d’archéologie de Neuchâtel (prononcer Laténium) a eu l’idée originale de prêter sa forme, finalement très contemporaine, à des chocolats. Pour ne pas frustrer les gourmands, ils seront un peu plus grands que l’original (haut de 16 mm à peine), et touche de luxe, une bijouterie locale en a fabriqué 11 exemplaires en or qui seront glissés dans les 1000 premières boîtes! Ce n’est pas sans rappeler une certaine histoire de Charlie, de chocolaterie, et de billets d’or cachés dans des plaques de chocolat. Un bouquin paru dans les années 60, mais dont on a récemment tiré un film à succès. Comme quoi l’archéologie aussi tente de se renouveler en voguant sur l’air du temps.
Souvenirs de vacances à vélo(1): drague au pont du Gard
Le pont du Gard, fameux aqueduc romain du Sud de la France, ne fait décidément pas son âge (soit presque 2000 ans). Il a traversé le temps quasi intact, ses arches de calcaire jaune enjambent les gorges du Gardon avec grâce comme un ruban de dentelle. C’est aussi un monument très populaire, à en juger par la foule bigarrée qui défile en permanence à ses pieds: touristes, classes d’écoliers ou gens du cru, dont beaucoup profitent de la rivière en se baignant ou en faisant du kayak. Mais tous n’ont pas le regard levé vers les détails de la maçonnerie antique, pourtant grandioses. Car le pont semble être un lieu de drague privilégié pour les jeunes Provençaux! Et de déambuler torse nu, la démarche chaloupée, cigarette au bec, lunettes noires sur le nez, à l’affût des jeunes et jolies visiteuses en shorts. La déformation professionnelle aidant, je me suis prise à rêver, me demandant si les jeunes Romains, à l’époque de Claude et de Néron, faisaient déjà de même. La cigarette et les lunettes noires en moins, bien entendu. “Salut beauté, tu viens boire un gobelet à la taverne et faire un tour dans mon char?” Personne n’a compris pourquoi je riais toute seule.