La salle de gym: le retour

Tout y est: les fenêtres haut placées, la pen­d­ule pro­tégée d’une grille, la pile de tapis oranges, le cheval d’arçons au cuir tout pat­iné, les espaliers de bois appuyés con­tre le mur, les cerceaux, le tram­po­line à la toile dou­teuse, les perch­es trop liss­es et les cordes trop pois­seuses, les piquets, les bancs,… Et surtout, l’odeur un peu rance de ce linoléum si meur­tri­er pour les genoux. Instan­ta­né­ment, mon estom­ac fait un noeud. Un réflexe sor­ti tout droit de mon enfance, à l’heure du cours de gym­nas­tique heb­do­madaire! N’ayant jamais été une foudre de sport, la salle de gym s’ap­parentait plutôt pour moi à une salle de tor­ture, dont je reve­nais bien sou­vent endo­lo­rie et frus­trée. Et à voir, les cica­tri­ces sont tenaces! Aujour­d’hui, c’est pour un cours de yoga que je remets, pour la pre­mière fois depuis plus de 15 ans, les pieds dans une salle de gym de ce genre. Allongée sur ma nat­te, au plus près du lino, je rêvasse les yeux ouverts, en atten­dant le début de la leçon. Tiens, il y a une empreinte de main toute sale au pla­fond: sans doute un élève qui a voulu faire le malin en arrivant au som­met des perch­es. Je n’ai jamais trou­vé le truc pour y grimper. Soudain, la voix de la prof s’élève. On respire, on s’étire. Du solfège fil­tre d’une fenêtre toute proche. Me voici par­faite­ment déten­due. Dans une salle de gym. Par­fois, c’est bien d’avoir grandi!

Déc-os de Noël

Dans notre bureau a fleuri une orig­i­nale déco­ra­tion de sai­son : une boule de Noël rouge… tenue entre les dents d’un squelette en car­ton grandeur nature. Assez logique pour un bureau d’archéologues, dira-t-on peut-être. Du coup, le sapin offi­ciel dans le hall du Ser­vice archéologique, avec ses guir­lan­des et ses boules blanch­es, paraît presque un peu banal. On aurait pu imag­in­er des déco­ra­tions faites de sachets en plas­tique, de tru­elles, de tes­sons de céramique mul­ti­col­ores, de clous rouil­lés, de cail­loux, etc… Un peu comme ce phar­ma­cien qui a gar­ni le sapin devant son officine de paque­ts de médica­ments vides. L’ef­fet est éton­am­ment déco­ratif! Du reste, en ville, les décors de Noël sem­blent bien étriqués cette année. Dom­mage, surtout que l’ar­chi­tec­ture, avec ses belles façades médié­vales, s’y prête très bien. Les orne­ments les plus orig­in­aux sont encore les fenêtres des maisons du Court-Chemin, décorées par les habi­tants sous forme de cal­en­dri­er de l’Avent (il y a même une maque­tte en papi­er de la cathé­drale). Une virée de nuit à Neuchâ­tel a par con­tre révélé une pro­fu­sion de lumières aus­si somptueuses qu’o­rig­i­nales: du dais lumineux au-dessus d’une ruelle aux boules d’ar­gent sus­pendues aux branch­es d’un grand chêne, en pas­sant par des fil­igranes sophis­tiquées dans la zone pié­tonne ou l’ énorme sapin offi­ciel orné de sphères orange lumi­nes­centes, c’é­tait tout sim­ple­ment féerique…  Je me suis un peu con­solée en voy­ant l’U­ni­ver­sité de Fri­bourg, dont la porte prin­ci­pale se pare d’un rideau de lumières. Même si ça la fait ressem­bler à un grand mag­a­sin. D’ailleurs, je me demande s’ils passent des chants de Noël dans le hall, comme au cen­tre com­mer­cial de la gare. L’autre jour, il y avait un vieux sand­wich aban­don­né entre les branch­es du sapin.

Infimes étrangetés

Il y a des jours où se cumu­lent les petites bizarreries. Tout a com­mencé par mon voisin, affublé d’énormes lunettes noires, qui m’a frôlée comme un fan­tôme dans l’escalier sans lumière. Ensuite, j’ai trou­vé une fouine morte, intacte, couchée der­rière une voiture. Au bas du Court Chemin, un sac à poubelle mal fer­mé mon­trait de drôles de bouts de mousse en forme d’in­testins. L’autre jour, au même endroit, c’é­tait un petit buste d’homme en plâtre qui dépas­sait des gra­vats jetés dans une benne. Un rien plus loin, une plate-bande se héris­sait d’une plan­ta­tion de… fourchettes! Lorsque j’ai vu un bébé arbor­er une bar­bo­teuse à imprimé mil­i­taire, puis un petit garçon insis­ter auprès de son papa pour aller voir le ray­on des sou­tien-gorges, j’ai com­mencer à me pos­er de sérieuses ques­tions. Etais-je réveil­lée, ou encore en train de dormir, tri­cotant en rêves de ces absur­dités dont mon cerveau a le secret? Heureuse­ment, j’ai ren­con­tré par hasard une amie, et nous sommes allées pren­dre ensem­ble un café sur une ter­rasse. Sa bonne humeur a remis les choses en place. Le reste de la journée s’est déroulé nor­male­ment. Mis à part que mon cac­tus minia­ture, pour­tant pro­tégé en per­ma­nence sous une cloche her­mé­tique, s’é­tait fait grig­not­er par une coche­nille. Allez comprendre…

Berne!

Pas de chance ce matin: l’in­ter­ci­ty Lau­sanne-Berne arrivera à Fri­bourg avec 25 min­utes de retard. C’est l’heure de pointe, les quais sont bondés de gens un peu vit­reux por­tant des cafés ou gril­lant une sal­va­trice cig­a­rette. Pour y remédi­er, on nous sug­gère de pren­dre le train région­al. La rame aux allures de métro sem­ble avoir des ressources spa­tiales insoupçon­nées, puisqu’elle absorbe sans trop de prob­lèmes les naufragés de l’in­ter­ci­ty et les pas­sagers habituels de la ligne. Le con­voi s’ébran­le tan­dis que la bonne humeur revient: après tout, on arrivera peut-être à l’heure au bureau. Mais c’est sans compter avec les arrêts inter­mé­di­aires, qui sont légion entre Fri­bourg et la cap­i­tale helvé­tique. A chaque gare, même la plus petite (cer­taines se résu­ment à une cabane de bois en pleine cam­pagne), c’est un nou­veau flot de pas­sagers qui monte. Les moin­dres recoins se rem­plis­sent, cer­tains voyageurs debout finis­sent presque sur les genoux des gens assis. A chaque gare, je me per­suade que l’on ne pour­ra plus ajouter per­son­ne. Et pour­tant, ça se rem­plit tou­jours. Je suis coincée dans un angle, entre le sac à dos d’un employé de la poste (son badge pend à la cein­ture) et une dame au par­fum sucré qui regarde poli­ment dans le vague. Comme je ne peux pas pencher la tête, je ne sais pas si mon sac est tou­jours entre mes pieds. Le train com­mence à ressem­bler à une boîte de sar­dines géantes. Même si les gens restent stoïques, la ten­sion est pal­pa­ble, et le tra­jet paraît inter­minable. Enfin, on annonce le ter­mi­nus. Ouf! Mais la délivrance com­plète, le point final de l’his­toire, provient d’une toute petite fille, qui devait se sen­tir bien coincée au milieu de toutes ces jambes d’adultes. Faisant écho au haut-par­leur, elle s’écrie soudain avec ent­hou­si­asme, dans le silence plom­bé du wag­on: “Berne!”. Du coup, les vis­ages s’é­clairent, et lorsque les portes s’ou­vrent, tout le monde sort du train avec le sourire. Après tout, le voy­age ne s’est pas si mal déroulé.

L’odyssée des sacs

Comme mon aspi­ra­teur arrivait à son dernier sac, j’ai voulu en racheter. Mais dans tous les com­merces de la ville, le mod­èle sem­blait man­quer mys­térieuse­ment. J’ai fini par en com­man­der 3 paque­ts (puisqu’il était impos­si­ble d’en obtenir un seul) auprès d’un mag­a­sin d’élec­tromé­nag­er. Avec force courbettes et grands sourires, on me les a promis pour la semaine suiv­ante. Affaire réglée, ai-je cru. Une semaine a passé, puis deux, sans aucune nou­velle. Je suis donc retournée au mag­a­sin pour me ren­seign­er. “Non, ils ne sont pas encore arrivés, ils seront là la semaine prochaine” (tiens donc). Resourires, recourbettes. Pen­dant ce temps, dans mon aspi­ra­teur, le dernier sac se rem­plis­sait dan­gereuse­ment. La semaine suiv­ante, tou­jours rien. Il a fal­lu vider led­it sac dans la poubelle (opéra­tion peu ragoû­tante s’il en est) pour pou­voir faire le ménage. A la mai­son, on m’a aimable­ment sug­géré de jeter mon aspi­ra­teur et d’en racheter un qui fonc­tionne sans sacs. J’ai fail­li céder, puis j’ai décou­vert un site inter­net dédié à la vente de sacs d’aspi­ra­teurs en tous gen­res (si si, ça existe). De guerre lasse, j’y ai donc passé com­mande d’un lot de 3 paque­ts, pour rentabilis­er les frais d’en­voi, et le col­is est arrivé quelques jours plus tard. Soulage­ment. Avant d’aller le chercher à la poste, j’ai décidé d’an­nuler ma com­mande auprès du mag­a­sin sus-men­tion­né (où, après tout, ils se moquaient du monde). Mais manque de pot: les sacs venaient, enfin, d’ar­riv­er! Le vendeur me les a apportés d’un air si tri­om­phant que je n’ai pas eu le courage de les refuser. Du coup, je suis ren­trée à la mai­son riche de 6 paque­ts de sacs pour aspi­ra­teurs! On peut pari­er que la machine ren­dra l’âme avant que le stock soit ter­miné. Si jamais, avis aux ama­teurs: qui aurait besoin de sacs type X 351?