La grande bringue dans l’ascenseur

Mon médecin vient de démé­nag­er son cab­i­net dans un com­plexe ultra­mod­erne en périphérie de Fri­bourg. L’ensem­ble est encore par­tielle­ment en chantier, il sent le béton et la pein­ture. C’est le roy­aume de l’i­nox et du verre et de leur nudité presque stérile, et comble du luxe, des hauts-par­leurs inté­grés aux murs arrosent de radio locale tous les couloirs du bâti­ment. Un peu déroutée, j’en­tre dans l’as­censeur et presse sur le bou­ton du troisième. Lorsque la machine s’ar­rête avec un léger soupir, je descends, croisant au pas­sage une grande bringue sophis­tiquée au par­fum puis­sant. Hélas, l’u­nique porte cen­sée don­ner accès à l’é­tage est fer­mée à clé. Per­plexe, je me retourne pour me ren­seign­er auprès de ladite grande bringue. Qui se con­tente de me regarder d’un air nar­quois tan­dis que la porte de l’as­censeur se referme sur elle. Une véri­ta­ble scène de cinoche, avec moi-même dans le rôle de l’empotée de ser­vice. Bon. Un peu irritée, je tente alors de pren­dre l’ escalier, et débouche dans une salle de fit­ness immense autant que déserte! Tou­jours pas trace du cab­i­net médi­cal. Je remonte donc dans l’as­censeur… et décou­vre que j’é­tais sim­ple­ment descen­due au pre­mier étage au lieu du troisième. Tout ça à cause de la grande bringue.

Feu vert

Same­di matin dans un bus en par­tance pour un cen­tre com­mer­cial de la région. Il y a peu de pas­sagers, essen­tielle­ment des vieilles dames qui tri­coteraient sûre­ment sur leurs genoux si le véhicule encore immo­bile n’é­tait pas plongé dans la pénom­bre de la gare routière. Il règne une cer­taine tor­peur. On attend le départ, l’oeil rivé sur le sig­nal lumineux, qui mal­gré l’heure reste dés­espére­ment rouge. Soudain, il passe au vert. Pas de réac­tion du côté du chauf­feur, un petit homme gris tout avachi sur son volant. Une voix aigrelette s’élève alors: « C’est vert! ». Je sors de ma som­no­lence, vague­ment irritée par le ton un peu sec de la pas­sagère, et me raidis en atten­dant la réac­tion du chauf­feur, qui n’ap­précierait sûre­ment pas de se faire ain­si rap­pel­er à sa tâche (c’est que des décen­nies de trans­ports en com­mun m’ont trop sou­vent con­fron­tée à un per­son­nel iras­ci­ble)… Mais sur­prise: le petit homme se penche vers nous, un sourire lumineux lui fen­dant la fig­ure, et annonce avec un fort accent ital­ien: «Je suis tran­quille, il y a tou­jours quelqu’un qui regarde pour moi! ». Sa remar­que met cha­cun de bonne humeur, et le bus démarre enfin, en route pour les emplettes. Avec un petit ray­on de soleil à l’intérieur.

De légers décalages

Lorsqu’on voy­age en train, la mécanique famil­ière de l’e­space et du temps sem­ble par­fois se détra­quer un peu. L’autre soir, la voix suave du haut-par­leur procla­mait peu avant Pay­erne: “Näch­ster Halt: Dietikon”. Arrivés à Léchelles, l’ar­rêt annon­cé était Fleuri­er. Heureuse­ment, pas de touristes qui auraient pu être désori­en­tés par la chose. Juste quelques pen­du­laires, hilares de vis­iter tant de Suisse en si peu de temps. Dom­mage qu’il ait fait noir, nous n’avons pas pu prof­iter des paysages! Mais ce n’est pas tout. Le lende­main, j’ai trou­vé sur le siège de mon com­par­ti­ment deux numéros aban­don­nés d’une revue…datant respec­tive­ment de sep­tem­bre et octo­bre 2006. Rien d’é­tonnnant donc à se croire sur la lune en arrivant à la gare de Fri­bourg, où les chew­ing-gums avaient été décol­lés du sol au chalumeau, creu­sant sous cha­cun un char­mant petit cratère.

Accessoires

Ce matin, dimanche, S. est par­ti de bonne heure. Il avait rasé sa bar­bi­che pour en faire une mous­tache, et por­tait plusieurs cabas au con­tenu sur­prenant: des ani­maux en peluche, une bouteille de whisky vide, une bombe de mousse à ras­er, des coupes en verre, un gâteau au choco­lat, un abat-jour, des ver­res à pied, un petit canard en plas­tique pour le bain, une chemise en flanelle, un moule à cake, une pomme et de vieux jour­naux anglais. Une seule expli­ca­tion à ces étrangetés: une pièce de théâtre se pré­pare, et c’est jour de répéti­tion! A pro­pos, pour tout ren­seigne­ment: http://www.tcf.ch/

Le sapin vivant

Au fil du temps, les décors de Noël devi­en­nent décidé­ment tou­jours plus fan­tai­sistes: de l’ ordi­na­teur minia­ture au moulinet de canne à pêche doré, du corset à frous-frous de verre au bal­lon de foot, du croc­o­dile au mini sapin décoré, de la paire de tenailles à la tête de dia­ble, du boule­dogue en man­teau rose au pois­son com­bat­tant toutes nageoires dehors, de la saucisse de Vienne au ham­burg­er pail­leté, du faux canard de bain au nénuphar, on trou­ve désor­mais pra­tique­ment de tout (sauf la tru­elle de l’archéo­logue, que je cherche depuis des années). Mais la palme de l’o­rig­i­nal­ité revient cette année à un véri­ta­ble sapin humain. Une vendeuse d’un grand mag­a­sin du cen­tre-ville avait teint ses cheveux, courts et héris­sés, en vert pro­fond, et por­tait de gross­es boucles d’or­eilles scin­til­lantes. Joyeux Noël donc!