Petits cadeaux pas désintéressés

Un matin tôt, en arrivant à la gare, voilà qu’une main sec­ourable me tend soudain une brique de jus d’o­r­ange! Je la prends un peu machi­nale­ment, mar­monne un remer­ciement. C’est que je suis encore fort mal réveil­lée, et que tous mes sens réglés en pilote automa­tique sont ten­dus vers un seul but: ne pas rater le train pour aller au boulot. Puis je remar­que le petit papi­er qui accom­pa­gne le berlin­got. Un papil­lon de pro­pa­gande pour un par­ti poli­tique. C’est vrai, nous sommes en péri­ode d’élec­tions! Je me sou­viens alors des ros­es rouges dis­tribuées aux femmes dans la rue quelques jours aupar­a­vant, et d’une jolie enveloppe rose adressée à mon nom, que j’avais prise pour un faire-part de mariage ou de nais­sance, mais qui con­te­nait une carte pub­lic­i­taire à la gloire d’un can­di­dat au con­seil d’ Etat. Décidé­ment, on ne sait plus qu’in­ven­ter pour se faire élire… A pro­pos du jus d’o­r­ange, en tout cas, c’é­tait raté: il m’a causé de ter­ri­bles brûlures d’estom­ac. Le par­ti en ques­tion n’au­ra pas mon vote!

Elle est belle, mon uni

C’est bien réel: désor­mais, les uni­ver­sités se pren­nent pour des entre­pris­es com­mer­ciales et recru­tent leurs futurs étu­di­ants, par­don, clients, à grand ren­fort de pub­lic­ité et de mar­ket­ing. Même l’ar­gu­ment “peo­ple”, omniprésent dans les médias, est devenu déter­mi­nant: ain­si, l’u­ni de Fri­bourg vante le fait que Miss et Mis­ter Suisse provi­en­nent tous deux de ses bancs. Des bancs cen­sés être un lieu de sci­ence et de recherche, pas une vit­rine pour les vedettes. Les pro­fesseurs qui ont eu l’au­dace de le rap­pel­er passent tout bon­nement pour de vieux rétro­grades. Il faut “vivre avec son temps”, paraît-il. Autrement dit, con­sacr­er la supéri­or­ité du nom­bril sur le cerveau, et ce même à l’u­ni­ver­sité! Pen­dant qu’on y est, on pour­rait abolir les exa­m­ens et décern­er les diplômes sur un con­cours de beauté. Mais trêve d’ironie facile. Plus con­crète­ment, je m’in­ter­roge sur l’ef­fi­cac­ité réelle d’un tel argu­ment pub­lic­i­taire. En “jouant la carte de la beauté (sic)” quels “clients” sup­plé­men­taires attir­era-t-on à l’al­ma mater? Des coeurs céli­bataires essen­tielle­ment désireux de fricot­ter avec un beau mec ou une belle plante à l’im­age des Miss/Mister en ques­tion? Si ma mémoire est bonne, de tels per­son­nages han­taient déjà les cours et les bib­lio­thèques il y a dix ans. Et il n’y avait pas besoin de mar­ket­ing pour cela.

Feu!

Dans la série “les choses qu’on devrait faire mais qu’on ne fait jamais”, il y a par exem­ple la lec­ture préven­tive du mode d’emploi de l’ex­tinc­teur. J’ai donc con­sacré quelques min­utes à exam­in­er l’in­stru­ment accroché au mur de mon bureau et à déchiffr­er les petits car­ac­tères imprimés sur sa panse rouge. Sur­prise. En réal­ité, ce n’é­tait pas un extinc­teur mais une arme: non seule­ment la poignée à gâchette imi­tait par­faite­ment la crosse d’un pis­to­let, mais l’e­spèce de tube conique chargé de cracher la sub­stance active s’appelait…le tromblon. Rai­son de plus pour espér­er ne pas devoir s’en servir. Face aux flammes, il sem­ble en effet plutôt con­tre-indiqué de crier: “En joue, feu!”

Amère pizza

Ils sont tou­jours un peu dif­fi­ciles, les retours de vacances, et pas seule­ment parce qu’il faut repren­dre sa rou­tine et retourn­er au boulot. Retrou­ver les us et cou­tumes de son pays peut aus­si s’avér­er un choc. Durant tout notre séjour en France, les repas même les plus sim­ples nous avaient tou­jours été servis avec sourire, chaleur, et sou­vent un aimable brin de causette. Un vrai sens de l’ac­cueil qui aug­men­tait encore les plaisirs de la table. Quel con­traste avec ce souper pris récem­ment dans une pizze­ria fri­bour­geoise! Un serveur impas­si­ble nous jette pra­tique­ment la carte des menus au vis­age, le patron nous apporte les mau­vais­es piz­zas puis les reprend sans un mot d’ex­cuse, avant de nous deman­der en aboy­ant si l’on veut ou non un café. Nous n’avons eu qu’une envie: par­tir sitôt l’ad­di­tion payée, et ne plus revenir. Du coup, la piz­za nous est restée sur l’estom­ac, mais aus­si un peu sur le coeur.

L’étrange voleur

Un cycliste en pleine course qui venait de crev­er devant le cen­tre com­mer­cial? Un fétichiste de la couleur bleue? Un artiste errant, son chef d’oeu­vre inachevé à la main? Une clé lasse de grin­cer dans sa ser­rure? Une vieille dame anglaise assoif­fée de thé? Je me demande qui était l’é­trange klep­tomane qui, same­di dernier, a volé le sac pen­du au cro­chet de notre cad­die. Il con­te­nait en effet le fab­uleux butin suiv­ant: deux cham­bres à air de vélo, une vieille jaque­tte bleue, du fix­atif en bombe pour dessins au pas­tel, un fla­con d’huile uni­verselle et une tasse en porce­laine à motif de fleurs roses.…