La mode printemps-été n’est pas vraiment fabuleuse (j’ai essuyé des échecs cuisants avec un manteau vaste comme une tente, des jeans façon leggings et une jacquette trop courte de partout). Mais au moins, cette saison, on se marre. D’une certaine manière. En effet, l’élément décoratif omniprésent dans la confection semble être le crâne humain, souriant de toutes ses dents, comme le veut l’anatomie. Doré, argenté ou garni de strass, grand ou petit, unique ou en ribambelle, le voilà qui s’exhibe sans complexes en bijoux, en porte-clés, sur les sacs, les t‑shirts, les blousons, les poches des jeans, sur les chaussettes, les pantoufles ou la semelle des tongs, et même sur les sous-vêtements. L’archéologue, familière des histoire d’os, commence à s’interroger. S’agit-il d’une subite résurgence de nos racines, à l’heure où il est de bon ton de revendiquer ses origines? En effet, nos ancêtres les Celtes étaient de grands coupeurs de têtes. Dans une récente exposition consacrée à leurs croyances, on pouvait voir la reconstitution grandeur nature d’un portique garni de niches destinées à accueillir des têtes trophées. Je me souviens encore de la réaction de certains visiteurs, qui plissaient le nez en marmonnant: “Quels barbares, quand même!” Des visiteurs dont certains adopteront probablement la mode du crâne sans broncher. J’en étais à méditer sur cet amusant paradoxe, lorsqu’une amie a cassé ma théorie. Selon elle, les têtes de mort de cette saison seraient plus vraisemblablement inspirées du pavillon noir des pirates, référence à une récente série de films à succès. Elle en aurait mis… sa tête à couper.
La position de l’aspirateur
Décidément, l’aspirateur est une source inépuisable d’anecdotes. Après l’épisode des sacs, voici celui des accessoires, ceux qu’on enfile au bout du tuyau pour nettoyer dans les coins ou brosser les meubles. Comme ceux-ci étaient brisés ou fendus suite à une longue carrière(quoique j’en aie connu de plus solides, mais bon), j’ai contacté le fournisseur en Suisse allemande pour en commander des nouveaux. Celui-ci m’a adressé un aimable courrier, qui contenait une magnifique vue en éclaté de mon aspirateur, illustrant l’emplacement de chacune de ses pièces. C’est ainsi que j’ai appris que les accessoires à remplacer se nommaient en fait “petite brosse” et “suceur en pointe”, et qu’ils s’encastraient parfaitement l’un dans l’autre. L’histoire n’avait absolument rien de scabreux. Du moins je le croyais. Avant de lire le message annexé, qui me demandait, dans un français très approximatif, de quelle “position” j’avais besoin.…
La salle de gym: le retour
Tout y est: les fenêtres haut placées, la pendule protégée d’une grille, la pile de tapis oranges, le cheval d’arçons au cuir tout patiné, les espaliers de bois appuyés contre le mur, les cerceaux, le trampoline à la toile douteuse, les perches trop lisses et les cordes trop poisseuses, les piquets, les bancs,… Et surtout, l’odeur un peu rance de ce linoléum si meurtrier pour les genoux. Instantanément, mon estomac fait un noeud. Un réflexe sorti tout droit de mon enfance, à l’heure du cours de gymnastique hebdomadaire! N’ayant jamais été une foudre de sport, la salle de gym s’apparentait plutôt pour moi à une salle de torture, dont je revenais bien souvent endolorie et frustrée. Et à voir, les cicatrices sont tenaces! Aujourd’hui, c’est pour un cours de yoga que je remets, pour la première fois depuis plus de 15 ans, les pieds dans une salle de gym de ce genre. Allongée sur ma natte, au plus près du lino, je rêvasse les yeux ouverts, en attendant le début de la leçon. Tiens, il y a une empreinte de main toute sale au plafond: sans doute un élève qui a voulu faire le malin en arrivant au sommet des perches. Je n’ai jamais trouvé le truc pour y grimper. Soudain, la voix de la prof s’élève. On respire, on s’étire. Du solfège filtre d’une fenêtre toute proche. Me voici parfaitement détendue. Dans une salle de gym. Parfois, c’est bien d’avoir grandi!
L’adieu du combattant
Mauvaise surprise l’autre jour dans l’aquarium: notre combattant aux grandes nageoires (betta splendens de son petit nom) avait, sans prévenir, tiré sa révérence. Il avait vécu cette vie brève qui dans leur espèce semble être la rançon de la beauté. Il a eu droit à des funérailles en bonne et due forme, avec enterrement dans le pot de l’hibiscus, histoire de poursuivre le cycle naturel. C’est vrai qu’il laissait un certain vide. Avec son élégance, son goût des cabrioles dans le courant, son tempérament curieux et familier, il était un peu un “personnage” de l’aquarium. Il l’a d’ailleurs prouvé post-mortem. Quelques jours plus tard, la plante, nourrie de sa substance, a développé de nouvelles feuilles, plus grandes, plus denses, plus brillantes. Et soudain, un bouton, qui est devenu une fleur. La première depuis presque un an! C’est ce qui s’appelle partir avec panache. Une seule chose m’a vraiment étonnée: que la fleur ne soit pas bleu roi, comme le poisson. Elle était rose. Mais rose… saumon.
Déc-os de Noël
Dans notre bureau a fleuri une originale décoration de saison : une boule de Noël rouge… tenue entre les dents d’un squelette en carton grandeur nature. Assez logique pour un bureau d’archéologues, dira-t-on peut-être. Du coup, le sapin officiel dans le hall du Service archéologique, avec ses guirlandes et ses boules blanches, paraît presque un peu banal. On aurait pu imaginer des décorations faites de sachets en plastique, de truelles, de tessons de céramique multicolores, de clous rouillés, de cailloux, etc… Un peu comme ce pharmacien qui a garni le sapin devant son officine de paquets de médicaments vides. L’effet est étonamment décoratif! Du reste, en ville, les décors de Noël semblent bien étriqués cette année. Dommage, surtout que l’architecture, avec ses belles façades médiévales, s’y prête très bien. Les ornements les plus originaux sont encore les fenêtres des maisons du Court-Chemin, décorées par les habitants sous forme de calendrier de l’Avent (il y a même une maquette en papier de la cathédrale). Une virée de nuit à Neuchâtel a par contre révélé une profusion de lumières aussi somptueuses qu’originales: du dais lumineux au-dessus d’une ruelle aux boules d’argent suspendues aux branches d’un grand chêne, en passant par des filigranes sophistiquées dans la zone piétonne ou l’ énorme sapin officiel orné de sphères orange luminescentes, c’était tout simplement féerique… Je me suis un peu consolée en voyant l’Université de Fribourg, dont la porte principale se pare d’un rideau de lumières. Même si ça la fait ressembler à un grand magasin. D’ailleurs, je me demande s’ils passent des chants de Noël dans le hall, comme au centre commercial de la gare. L’autre jour, il y avait un vieux sandwich abandonné entre les branches du sapin.