Ma gomme mie de pain

Voilà, il m’a fal­lu chang­er ma gomme mie de pain. A force de fonc­tion­ner, elle avait fini par devenir toute noire, et par faire de vilaines traînées sur le papi­er au lieu de faire son boulot… Je me sou­viens la pre­mière fois que j’en avais vu une. C’é­tait dans une autre vie, dans une autre ville, pen­dant un cours de dessin avec mod­èle vivant dans une académie un peu snob. Une par­tic­i­pante m’avait demandé si j’avais vu sa gomme. J’avais ratis­sé tout l’ate­lier, sans suc­cès. Jusqu’à ce qu’elle avise une petite boule grise posée sur le rebord d’un chevalet, boule que j’avais prise pour de la pâte à mod­el­er! En réal­ité, c’é­tait une gomme mie de pain. Très pra­tique, car mal­léable dans la forme que l’on veut, et ne pro­duisant aucune rognure. Une vraie révéla­tion. Je m’é­tais hâtée d’en acheter une, et depuis, je n’ai pas arrêté d’en utilis­er pour effac­er cray­on, fusain et pas­tel. Passé dix ans que je l’avais, celle-ci; à rai­son d’un coût total de 2 francs 50, c’é­tait vrai­ment un bon investissement!

En slip!

De pas­sage par­mi les immeubles du quarti­er d’Alt. Du coin de l’oeil, j’aperçois une sil­hou­ette qui se fau­file sur un bal­con, puis retourne à l’in­térieur. La porte-fenêtre en se refer­mant jette un bref éclat de soleil. Rien d’é­ton­nant en soi. Mais les deux femmes qui me suiv­ent ont mieux vu. Elles sont même scan­dal­isées. “T’as vu ça? En slip, qu’elle était, la nana! Non, mais tu te rends compte? En slip!…” Et ain­si de suite, au point que je presse un peu le pas pour échap­per à cette ven­imeuse log­or­rhée. En slip… Bon. Non seule­ment la dame en ques­tion était chez elle, mais elle s’é­tait con­tentée de sor­tir briève­ment sans s’ex­hiber out­re mesure. Pas de quoi en faire un fro­mage. D’ailleurs, en y pen­sant, ce n’est pas que la mode de ce print­emps soit beau­coup plus habil­lée. Quelques min­utes à peine avant cet épisode, un groupe de jeunes filles mar­chaient devant moi. Non con­tentes de con­fon­dre les col­lants pas même opaques avec les pan­talons, elles pous­saient le détail jusqu’à porter un string pour éviter les mar­ques! Autant dire qu’elles se bal­adaient dans la rue les fess­es à l’air. Et cela, apparem­ment, ça ne dérange personne.

Le regard du chat

En descen­dant vers la Basse ville, deux grandes fenêtres rec­tan­gu­laires qui ressem­blent à des vit­rines. Der­rière l’une, une belle orchidée en fleurs. Der­rière l’autre, un chat tigré. Immo­bile comme une porce­laine (je l’ai d’abord pris pour un bibelot!), il garde les yeux fixés sur un point pré­cis, quelque part vers les hau­teurs. Plusieurs pas­sants s’ar­rê­tent pour admir­er l’an­i­mal,  et suiv­ent son regard pour voir ce qui retient ain­si son atten­tion. Intriguée, je tente moi aus­si l’ex­péri­ence… Rien. Les yeux tombent très exacte­ment au-dessus des toits dans le ciel mati­nal, gris et nu! Tout le monde repart per­plexe. Le chat con­tin­ue de fix­er le vide d’un air con­cen­tré. Je suis sûre qu’il fait exprès, et qu’in­térieure­ment, il se marre…

Le petit radiateur

Devant un mag­a­sin exo­tique qui vend de tout, de la racine de man­ioc au sari col­oré, de la carte de télé­phone inter­na­tionale au DVD Bol­ly­wood, du sac géant de riz bas­mati à l’huile de coco pour les cheveux, en pas­sant par des sculp­tures en corne ou des mag­a­zines indéchiffrables,  il y avait l’autre soir… un radi­a­teur. Blanc, verni, côtelé d’une manière un peu rétro, mais si petit qu’il tenait sur un tabouret posé sur le trot­toir, juste à l’en­treé du mag­a­sin. Etant don­né le joyeux caphar­naüm qui règne dans l’é­choppe, j’ai eu un doute:  fai­sait-il par­tie de l’as­sor­ti­ment? Etait-il en action? A moins qu’il soit cen­sé pro­cur­er un peu de chaleur aux fumeurs ban­nis par la nou­velle inter­dic­tion. Car après tout, il ne serait pas éton­nant que cette bou­tique poly­va­lente fasse aus­si office de bistrot.

Mon beau sapin…

La gare de Neuchâ­tel a trou­vé une manière inso­lite de met­tre sa déco­ra­tion de Noël à l’abri des van­dales. Le hall cen­tral est en effet orné d’une série de sap­ins en pots, généreuse­ment parés de guir­lan­des lumineuses…suspendus au pla­fond ! Si on ne lève pas les yeux, on ne les remar­que même pas. Et si d’aventure on les lève, l’effet pro­duit bal­ance un peu entre « Alice au Pays des Mer­veilles » et la cuite de fin d’année !  
A pro­pos de sapin… Nous avons une fois encore com­mandé notre arbre de Noël via inter­net, auprès d’une pépinière de la région. D’ordinaire, un lutin dis­cret venait pos­er le végé­tal sur le palier, sim­ple­ment envelop­pé dans un filet. Mais cette année, c’est la poste qui fai­sait la livrai­son. Ain­si, nous avons trou­vé der­rière la porte un énorme car­ton allongé, avec notre adresse col­lée dessus. Un peu per­plex­es (nous avions com­mandé un petit sapin, et non un géant d’un mètre qua­tre-vingt… Le Père Noël était-il com­pris dans le lot?), nous l’avons ouvert et après bien des efforts et des aigu­illes répan­dues, nous y avons vu… un grand vide, avec, tout au fond, un sapin qui sem­blait minus­cule… On essaie de faire écologique en pro­posant des pro­duits de prox­im­ité, et on gâche tout avec l’emballage ! 
Pour clore le chapitre, ajou­tons encore de grands épicéas styl­isés peints sur les vit­res d’une mai­son de Vil­lare­pos. Une déco­ra­tion très con­tem­po­raine sur une vil­la très con­tem­po­raine aus­si, qui con­trastait avec le reste du vil­lage truf­fé de fer­mes tra­di­tion­nelles. Ils s’accompagnaient de man­chots trans­par­ents ren­fer­mant des cor­dons lumineux entrelacés. Avec le froid qu’il fai­sait, ils devaient être les seuls à rigol­er…  Joyeux Noël !