Sous l’averse

A la sor­tie de la gare Cor­navin, un homme en cos­tume chic n’arrive pas à ouvrir son para­pluie. « Quelle merde ! », déclare-t-il avec dépit. De mon côté, je déplie  sans prob­lème mon pépin couleur ketchup et me lance sous l’averse, avec les dizaines d’autres pen­du­laires lâchés par la gare. Un rien plus tard, l’homme en ques­tion me dépasse  d’un pas nerveux, très vague­ment abrité par un tor­chon noir tout ratat­iné qui bat sur le côté comme une aile de chauve-souris. J’en ai presque de la peine pour lui. Son cos­tume chic sera mouil­lé, sans aucun doute. Et son ego avec.

 

A la boutique de l’ONU

Si si, ça existe! L’ONU a une bou­tique, ouverte aux employés des organ­i­sa­tions inter­na­tionales. Du coup, j’ai pu m’y gliss­er grâce à mon badge CICR, me sen­tant presque un VIP du corps diplo­ma­tique. Au menu :un bazar inde­scriptible (dont le décor rudi­men­taire me rap­pelle cer­tains grands mag­a­sins des années 80) com­por­tant  bijoux, vête­ments, cos­mé­tiques, maro­quiner­ie, élec­tro-ménag­er et épicerie fine des qua­tre coins du monde, à des prix plus ou moins préféren­tiels. Sur­prise: on y trou­ve du choco­lat Vil­lars, dans des par­fums jamais vus à Fri­bourg (noix de pécan caramélisées?) et des meringues, les fameuses de Bot­terens! Si bien nour­ris, pas éton­nant que les Genevois soient blasés… Il va fal­loir trou­ver d’autres moyens pour les apprivoiser.

Espace-temps

Après avoir jonglé avec le temps durant mes années d’archéolo­gie, me voici en train de jon­gler avec l’e­space. Tra­vailler au CICR impli­quant bien sûr d’être en con­tact avec des équipes basées dans le monde entier. Ain­si, ma boîte email se rem­plit-elle de mes­sages venus d’Aus­tralie, du Con­go, des Etats-Unis, du Sri Lan­ka, de Géorgie, du Japon, de Norvège, du Gabon,…  Ce qui m’émerveille encore, tan­dis que pour mes col­lègues, c’est devenu la rou­tine. Lorsque mon télé­phone sonne, affichant un numéro long comme un jour sans pain,  j’essaie de devin­er de quelle con­trée loin­taine vient l’appel (tout en pré­parant mon cerveau à servir mon « meilleur » anglais). Aus­si étais-je tout sur­prise l’autre jour, lorsque j’ai vu s’afficher non seule­ment un numéro suisse, mais l’indicatif…026, celui de mon can­ton d’adoption, Fri­bourg. C’en était presque exotique!

Pulls manchots

Petite séance de shop­ping en ville, dans le but fort banal de dégot­er un pull chaud pour cet hiv­er. Ver­dict: les grandes absentes de la con­fec­tion cette sai­son sont…les manch­es ! Sur tous les éta­lages, ce ne sont que gilets, pon­chos, châles, débardeurs ou jacquettes à manch­es cour­tes, trois-quarts dans le meilleur des cas. Et pour le même prix qu’un vête­ment “entier”… J’en avais froid dans le dos. Ne reste donc plus qu’à se met­tre au tri­cot, apparem­ment. Je peux tou­jours essay­er de deman­der à ce jeune homme aperçu l’autre jour dans le train, qui meublait son tra­jet le plus sérieuse­ment de monde, en cli­que­tant des aiguilles…

Au bout du monde

Un matin à Genève dans un bus rem­pli d’une foule dense et   hétéro­clite, mais à majorité cra­vatée. C’est la ligne des organ­i­sa­tions inter­na­tionales, ce qui n’empêche pas le véhicule d’être à la fois vétuste et très en retard. Un cra­vaté proche, apparem­ment à des­ti­na­tion de l’ONU, demande à son col­lègue: “Are you sure it’s the right bus? Aren’t we going to some sub­urb and be lost for­ev­er?” C’é­tait bien le bon bus. Même si à l’in­stant, le bus qui nous croi­sait en sens inverse arbo­rait sur son front:“N°11. Bout du monde”.