Guirlandes lumineuses, étoiles, anges, cadeaux géants,… Cette fois, les décorations sont bien en place dans la vieille ville. Même au Service archéologique: un Père Noël grimpe en effet sur l’imposante façade du bâtiment. Question lancinante: comme il monte du côté des dépôts, et non des bureaux, a‑t-il vraiment l’intention d’apporter des cadeaux aux collaborateurs? Ne vient-il pas plutôt pour piquer des objets? J’ai souvent pensé que cette mode des Pères Noël décoratifs grandeur nature profitait aux cambrioleurs. Il leur suffit de ne pas trop bouger!
Catégorie : Archéologie
Tumbler!
Une maman et son très petit garçon longent le chemin bordant notre chantier de fouilles. Chemin tout encombré par diverses machines que nous utilisons pour creuser les secteurs, accélérer les décapages, déplacer les tas de déblais ou reboucher les trous. “Regarde, chéri, ce sont les mêmes que ton papa utilise au travail! Tu sais comment elle s’appelle, celle-ci?” lui demande-t-elle en désignant le véhicule à gros pneus et benne basculante que nous nommons familièrement “dumper”. Le petit garçon annonce alors fièrement, et sans l’ombre d’une hésitation: “Ouais, c’est un tumbler!” Rien à essorer ici cependant, à part peut-être nos vêtements de travail détempés par la pluie et la boue du début de l’hiver…
De l’imagination des archéologues
Vu l’inévitable fragmentarité des vestiges, matière première de son travail, une des qualités fondamentales de l’archéologue doit être l’imagination. Mais attention, bien dosée et judicieusement placée! Et pourtant, même ainsi, il arrive de se tromper lourdement. Exemple: une plaque oxydée de bleu turquoise, ornée de motifs géométriques, trouvée bien entendu hors contexte. La tournant et la retournant dans ma main, la soupesant, reconstituant mentalement ses parties manquantes, je l’identifie finalement comme un pectoral, une plaque de ceinture ou un ornement de fourreau en bronze, probablement d’époque romaine ou médiévale. Quoiqu’avec une certaine prudence, n’en ayant jamais vu de comparable. Et pour cause… Il s’agissait en fait d’un objet tout ce qu’il y a de plus moderne. Un élément de mise à terre de paratonnerre en cuivre! Quelle déception…
Diversité bioarchéologique
Notre chantier de fouilles, sachez-le, est aussi un écosystème varié. Une foule de plantes et de fleurs, du chénopode à la camomille, pousse sur les tas de déblais, attirant du coup papillons et insectes en tous genres (de la punaise à l’opilion) ; les chenilles font leurs chrysalides dans les cartons d’objets, ainsi que les araignées leurs toiles; le “sang des Bourguignons”, ces fameuses bactéries rouges, colonisent les flaques d’eau stagnant dans les bâches en plastique; la mousse pousse sur le fond des secteurs; les mouches prolifèrent dans les WC; les gerris gambadent sur l’étang formé sous la station de tamisage; le renard fait nuitamment ses courses dans nos poubelles; des hermines et des hérissons se réfugient sous les tas de planches, etc… Et il y en a encore pour affirmer que l’archéologie ne sert à rien?
Question de points de vue
De r?centes fouilles arch?ologiques dans le jardin d’une villa de Muntelier ont mis au jour un morceau de village lacustre bien conserv? et regorgeant de mat?riel. Plusieurs journaux locaux leur ont consacr? un article, insistant notamment sur la d?couverte d’un original ? chewing-gum ? pr?historique en brai de bouleau. Soit. Le ? Sonntagsblick ?, lui, a abord? le sujet sous un autre angle: les propri?taires de la villa, en l’occurrence le footballeur Chapuisat et son ?pouse, photographi?s en grand et en couleurs . Les fouilles ?tant quant ? elles rel?gu?es ? une petite vignette noir-blanc dans un coin de la page, et ? quelques lignes qui pr?cisaient surtout l’?ge du chef de chantier. Article ? people ?, quoi… Je pensais que cela n’int?resserait personne dans le milieu arch?ologique. Mais une coll?gue, levant son nez du journal, m’a soudain demand? les yeux brillants : ? Alors, tu l’as vu ? ? ? Le chantier ? Bien s?r ?, ai-je r?pondu. ? Non, a‑t-elle r?torqu? : Chapuisat ! ?.