Le petit radiateur

Devant un mag­a­sin exo­tique qui vend de tout, de la racine de man­ioc au sari col­oré, de la carte de télé­phone inter­na­tionale au DVD Bol­ly­wood, du sac géant de riz bas­mati à l’huile de coco pour les cheveux, en pas­sant par des sculp­tures en corne ou des mag­a­zines indéchiffrables,  il y avait l’autre soir… un radi­a­teur. Blanc, verni, côtelé d’une manière un peu rétro, mais si petit qu’il tenait sur un tabouret posé sur le trot­toir, juste à l’en­treé du mag­a­sin. Etant don­né le joyeux caphar­naüm qui règne dans l’é­choppe, j’ai eu un doute:  fai­sait-il par­tie de l’as­sor­ti­ment? Etait-il en action? A moins qu’il soit cen­sé pro­cur­er un peu de chaleur aux fumeurs ban­nis par la nou­velle inter­dic­tion. Car après tout, il ne serait pas éton­nant que cette bou­tique poly­va­lente fasse aus­si office de bistrot.

Mon beau sapin…

La gare de Neuchâ­tel a trou­vé une manière inso­lite de met­tre sa déco­ra­tion de Noël à l’abri des van­dales. Le hall cen­tral est en effet orné d’une série de sap­ins en pots, généreuse­ment parés de guir­lan­des lumineuses…suspendus au pla­fond ! Si on ne lève pas les yeux, on ne les remar­que même pas. Et si d’aventure on les lève, l’effet pro­duit bal­ance un peu entre « Alice au Pays des Mer­veilles » et la cuite de fin d’année !  
A pro­pos de sapin… Nous avons une fois encore com­mandé notre arbre de Noël via inter­net, auprès d’une pépinière de la région. D’ordinaire, un lutin dis­cret venait pos­er le végé­tal sur le palier, sim­ple­ment envelop­pé dans un filet. Mais cette année, c’est la poste qui fai­sait la livrai­son. Ain­si, nous avons trou­vé der­rière la porte un énorme car­ton allongé, avec notre adresse col­lée dessus. Un peu per­plex­es (nous avions com­mandé un petit sapin, et non un géant d’un mètre qua­tre-vingt… Le Père Noël était-il com­pris dans le lot?), nous l’avons ouvert et après bien des efforts et des aigu­illes répan­dues, nous y avons vu… un grand vide, avec, tout au fond, un sapin qui sem­blait minus­cule… On essaie de faire écologique en pro­posant des pro­duits de prox­im­ité, et on gâche tout avec l’emballage ! 
Pour clore le chapitre, ajou­tons encore de grands épicéas styl­isés peints sur les vit­res d’une mai­son de Vil­lare­pos. Une déco­ra­tion très con­tem­po­raine sur une vil­la très con­tem­po­raine aus­si, qui con­trastait avec le reste du vil­lage truf­fé de fer­mes tra­di­tion­nelles. Ils s’accompagnaient de man­chots trans­par­ents ren­fer­mant des cor­dons lumineux entrelacés. Avec le froid qu’il fai­sait, ils devaient être les seuls à rigol­er…  Joyeux Noël ! 

Des coqs au rayon cosmétiques

Same­di matin dans un super­marché de la ville. Le char­i­ot est plein, ne reste plus qu’à pass­er au départe­ment cos­mé­tiques. Tan­dis que je par­cours les rayons, à la recherche de kleenex et autres den­ti­frices, une voix s’élève depuis les éta­lages voisins. Un homme, apparem­ment au télé­phone, puisqu’il par­le tout seul.  “Com­ment tu as dit que ça s’ap­pelait? Avec une éti­quette rose?” Silence. “Je vois que des éti­quettes vertes ou vio­lettes… Non, pas de ros­es! Attends, en voilà une… Antiâge super­lift? Ce n’est pas ça?” Resi­lence. “C’est com­pliqué, il y en 36 sortes!” Nou­veau silence, qu’on sent un peu ten­du. “Bon, écoute, je trou­ve pas. La prochaine fois, tu vien­dras toi-même… Oui, par­faite­ment, tu vien­dras toi-même!” La con­ver­sa­tion s’ar­rête net. Eti­rant le cou, je coule un oeil dis­cret sur l’o­ra­teur. Et je vois deux jeunes hommes, avachis sur leur char­i­ot (rem­pli de chips et de piz­zas con­gelées, mais ceci est une autre his­toire), l’air éxcédé. Leur impuis­sance face aux pro­duits cos­mé­tiques me laisse songeuse. En effet, ils arborent une peau rigoureuse­ment lisse et bronzée, une crête gom­inée qui ferait rou­gir tous les coqs de la cam­pagne fri­bour­geoise, et même, dirait-on, un peu de cray­on noir sous les yeux…

Les fantômes d’Halloween

Tard le soir en Basse Ville. Dans un angle som­bre du trot­toir, deux jeunes garçons s’emploient à imiter Michael Jack­son dans « Thriller », cha­peau à l’appui et lecteur de CD portable à pleins tubes. Drôle d’endroit et drôle de moment pour répéter un numéro, ai-je pen­sé. Sans par­ler du fait que les garçons en ques­tion étaient bien trop petits pour rester dehors à ces heures. La chan­son arrive à son terme, l’un des enfants s’effondre con­scien­cieuse­ment sur le bitume. Arrive un troisième lar­ron, cos­tumé en…squelette, dont les os luisent dans l’ob­scu­rité. L’ef­fet est assez sur­prenant. Il apos­tro­phe une pas­sante, d’une petite voix qui con­traste de manière comique avec son déguise­ment effrayant. C’est à ce moment-là que je réalise : nous sommes le soir d’ Hal­loween ! Dans le quarti­er, plusieurs cit­rouilles évidées rica­nent et des bou­gies trem­blot­tent sur les rebor­ds des fenêtres pour éloign­er fan­tômes et mau­vais esprits de sor­tie cette nuit-là. D’ailleurs, dans le bus, les gens arbo­raient un peu des têtes de déter­rés (les néons ne sont décidé­ment pas flat­teurs)… Le seul fan­tôme que j’ai finale­ment côtoyé était notre ami le renard, habitué du jardin, qui n’a pas cessé de glapir tout près de la mai­son. Peut-être parce que nous lui avions lais­sé les restes d’une…tête de moine. Bouh!

(NB : tête de moine: fro­mage suisse fab­riqué dans le Jura bernois)

La machine à muscler les bras

Pour mon retour sur la toile après tous ces mois d’ab­sence, il fal­lait une his­toire un peu mus­clée. La voilà… Une fois n’est pas cou­tume, j’ai cédé aux sirènes de la pub­lic­ité, qui van­tait un appareil de gym­nas­tique cen­sé remus­cler cuiss­es, fess­es, ven­tre et bas du dos. Un bon résumé de mes “zones à prob­lèmes”, dirons-nous… Bon. Il n’é­tait pas très cher, sem­blait sim­ple d’u­til­i­sa­tion et peu encom­brant.  Après quelques moments de réflex­ion, je l’ai donc com­mandé. Manque de pot, comme j’é­tais absente  le jour de la livrai­son,  j’ai dû aller le chercher moi-même à la poste.  Au guichet, l’employé me présente un énorme car­ton tout défon­cé. “Vous êtes en voiture?”, me susurre-t-il avec mesquiner­ie. Ben non…  Tou­jours pas de voiture, tou­jours pas de per­mis. Et la poste qui est à une bonne trotte de chez moi, hors des lignes de bus… J’empoigne donc à deux mains le paquet et mon courage, et prends tant bien que mal le chemin de la mai­son. L’hor­reur. Au début, le car­ton sem­blait plus encom­brant que lourd, mais à la longue, étant don­né qu’il n’avait aucune poignée, ficelle ou autre prise per­me­t­tant de le porter cor­recte­ment, l’ex­er­ci­ce deve­nait de plus en plus pénible. Je suais à gross­es gouttes sous le soleil de fin d’été. Et me sen­tais un peu hon­teuse dans la rue avec cette boîte dont l’emballage, illus­tré d’une pin-up ath­lé­tique et de slo­gans en couleurs fluo, trahis­sait si claire­ment le con­tenu. Il me sem­blait que tout le monde me regar­dait de haut en bas… Cahin-caha, je suis finale­ment arrivée chez moi. Epuisée, déshy­dratée, les bras douloureux et les mains insen­si­bles. Le car­ton est resté dans un coin jusqu’à ce que je trou­ve le courage de m’y atta­quer. Quelques jours plus tard, j’ai tout débal­lé et ten­té d’assem­bler les pièces en suiv­ant le mode d’emploi. Non seule­ment la bête s’avérait plus mas­sive que prévu, mais il man­quait toutes les vis! J’ai alors piqué une colère, tout rem­bal­lé, en maud­is­sant mon com­porte­ment de gamine com­plexée, et ramené  le paquet à la poste…en m’aidant cette fois d’un dia­ble et d’un sac IKEA.  A défaut de m’avoir mus­clé le bas du corps, la machine m’au­ra au moins un peu mus­clé les bras le jour de son retrait!