Amère pizza

Ils sont tou­jours un peu dif­fi­ciles, les retours de vacances, et pas seule­ment parce qu’il faut repren­dre sa rou­tine et retourn­er au boulot. Retrou­ver les us et cou­tumes de son pays peut aus­si s’avér­er un choc. Durant tout notre séjour en France, les repas même les plus sim­ples nous avaient tou­jours été servis avec sourire, chaleur, et sou­vent un aimable brin de causette. Un vrai sens de l’ac­cueil qui aug­men­tait encore les plaisirs de la table. Quel con­traste avec ce souper pris récem­ment dans une pizze­ria fri­bour­geoise! Un serveur impas­si­ble nous jette pra­tique­ment la carte des menus au vis­age, le patron nous apporte les mau­vais­es piz­zas puis les reprend sans un mot d’ex­cuse, avant de nous deman­der en aboy­ant si l’on veut ou non un café. Nous n’avons eu qu’une envie: par­tir sitôt l’ad­di­tion payée, et ne plus revenir. Du coup, la piz­za nous est restée sur l’estom­ac, mais aus­si un peu sur le coeur.

Souvenirs de vacances à vélo(4): chez l’”artisan sucrecuitier”

Un vrai rêve de gosse. Une con­fis­erie avi­gnon­naise à l’an­ci­enne dont la vit­rine débor­dait de fruits con­fits (du cédrat à la clé­men­tine entière) et d’o­lives en sucre. A l’in­térieur, des armoires en bois offraient des boîtes de calis­sons de toutes les tailles, des mon­tic­ules de “navettes” (bis­cuits sablés) par­fumées à la fleur d’o­r­anger, à la vanille ou à l’a­nis, des bassines de choco­lat en morceaux, des bon­bons et sucettes mul­ti­col­ores empilés en véri­ta­bles petits silos, des bar­quettes de fruits en masse­pain, etc… Jamais mag­a­sin n’avait si bien porté son nom: “La cure gour­mande”, chez “l’ar­ti­san sucre­cuiti­er”! Der­rière le comp­toir de style rétro, je m’at­tendais assez logique­ment à voir une grand’­ma­man débon­naire en tabli­er. Mais c’é­tait un jeune homme gom­iné, stylé, que j’au­rais trou­vé plus à sa place dans une bou­tique de fringues branchée ou un salon de coif­fure à la mode! Un peu dis­cor­dant à l’oeil, mais qui sait, peut-être était-il mal­gré sa mai­greur un grand gourmand?

Souvenirs de vacances à vélo(3): arènes pour chiens

Arles. Une anci­enne cité romaine aux ves­tiges bien con­servés: théâtre, ther­mes, et surtout arènes. Plus mod­estes que le Col­isée, bien sûr, mais impres­sion­nantes tout de même avec ses rangs d’ar­cades super­posées, ryth­mées par des colonnes corinthi­ennes (oui, celles qui por­tent un chapiteau de feuilles d’a­can­the). Une restau­ra­tion soignée est d’ailleurs en train de leur ren­dre leur panache, rem­plaçant la pierre rongée et noir­cie par un beau cal­caire jaune pâle qui brille lit­térale­ment sous le ciel bleu. Les vom­i­to­ria antiques por­tent main­tenant les écriteaux verts “sor­tie de sec­ours”. C’est que l’am­phithéâtre sert de salle de spec­ta­cles esti­vaux. Théâtre, musique, danse. Plus de glad­i­a­teurs ni de com­bats d’an­i­maux: les seuls fauves qui fréquentent désor­mais l’en­droit, out­re les tau­reaux en peluche ven­dus dans les bou­tiques de sou­venirs alen­tour, sont les chiens arlésiens, qui sem­blent se don­ner ren­dez-vous au pied du mon­u­ment pour leurs balades quotidiennes .

Souvenirs de vacances à vélo(2): bienvenue en Camargue

Etrange région que la Camar­gue. Elle se barde de clô­tures en fil de fer bar­belé et de pan­neaux menaçants qui annon­cent aus­si bien “Défense d’en­tr­er”, “Pro­priété privée” que “Chas­se gardée”. Ce qui sem­ble un peu absurde, puisqu’à perte de vue, on ne voit que de vastes prés marécageux alter­nant avec des champs de blé ou des riz­ières, des haies de roseaux ou de buis­sons bas: un vrai désert de ver­dure et d’eau! Seuls signes de vie, quelques chevaux blancs, des vach­es noires farouch­es, des aigrettes, des libel­lules. On ose à peine s’ar­rêter à l’om­bre d’un arbre joux­tant un mas isolé, de peur de se ramass­er un coup de tromblon! C’est que le soleil tape dur pour les cyclistes sur la petite route asphaltée, les réserves d’eau fondent très vite. Le marc­hand de bois­sons le plus proche est à 20 kilo­mètres. Il nous a pro­posé de boire…un ver­rre de muscat.

Souvenirs de vacances à vélo(1): drague au pont du Gard

Le pont du Gard, fameux aque­duc romain du Sud de la France, ne fait décidé­ment pas son âge (soit presque 2000 ans). Il a tra­ver­sé le temps qua­si intact, ses arch­es de cal­caire jaune enjam­bent les gorges du Gar­don avec grâce comme un ruban de den­telle. C’est aus­si un mon­u­ment très pop­u­laire, à en juger par la foule bigar­rée qui défile en per­ma­nence à ses pieds: touristes, class­es d’é­col­iers ou gens du cru, dont beau­coup prof­i­tent de la riv­ière en se baig­nant ou en faisant du kayak. Mais tous n’ont pas le regard levé vers les détails de la maçon­ner­ie antique, pour­tant grandios­es. Car le pont sem­ble être un lieu de drague priv­ilégié pour les jeunes Provençaux! Et de déam­buler torse nu, la démarche chaloupée, cig­a­rette au bec, lunettes noires sur le nez, à l’af­fût des jeunes et jolies vis­i­teuses en shorts. La défor­ma­tion pro­fes­sion­nelle aidant, je me suis prise à rêver, me deman­dant si les jeunes Romains, à l’époque de Claude et de Néron, fai­saient déjà de même. La cig­a­rette et les lunettes noires en moins, bien enten­du. “Salut beauté, tu viens boire un gob­elet à la tav­erne et faire un tour dans mon char?” Per­son­ne n’a com­pris pourquoi je riais toute seule.